Grand-mères ou grands-mères ?

Faut pas pousser mémé !

< mardi 21 septembre 1999 >
Chronique

Telle est, à n'en pas douter, la réaction — pour peu qu'il ait agi en connaissance de cause, bien sûr ! — de quiconque se voit reprocher, à quelques jours de l'an deux mille, d'écrire des grands-mères, quand bien même ce pluriel serait depuis longtemps entériné par les dictionnaires, au côté du plus traditionnel grand-mères. C'est que le rejet du s, voire du trait d'union au profit de la pourtant défunte apostrophe, reste vivace chez tous ceux qui ont retenu de leur séjour à la communale que l'élément grand restait invariable dans un nom composé féminin. Confessons au passage que ce réflexe ne nous épargne pas nous-même, encouragé qu'il continue à être par des grammairiens dignes de foi. Force est pourtant de reconnaître que mettre un s à grand ne constitue plus une faute, non seulement, répétons-le, parce que les dictionnaires le cautionnent et parfois même le préconisent, mais parce que l'accord, comme le soulignent en chœur Hanse et Grevisse, relève au fond de la plus élémentaire logique : dès lors que l'Académie a reconnu, en 1932, que l'apostrophe était injustifiée (elle ne marquait pas, comme on l'a cru longtemps, la disparition d'un e, le grand de grand-mère résultant bien plutôt d'un usage ancien, hérité du latin, et en vertu duquel certains adjectifs avaient la même forme au masculin et au féminin) ; dès lors, surtout, qu'elle a conseillé de la remplacer par un trait d'union, rien ne s'oppose plus à ce que grand reçoive la marque du pluriel. Le message, évidemment, eût été mieux perçu si les académiciens ne s'étaient pas, dans la foulée, emmêlé les épées en laissant négligemment traîner dans leur Dictionnaire des grand-messes et des arrière-grand-mères qui contredisaient les recommandations de leur propre grammaire... et officialisaient du même coup le double usage qui sévit encore aujourd'hui ! Une bonne nouvelle, tout de même, pour les nostalgiques de l'ancienne règle : on peut toujours se rabattre sur la variante mères-grand, qui, elle, n'a pas pris une ride. Mais il est vrai que le mot fait déjà tellement vieux lui-même...