Au lendemain de la Braderie

Câlines, ces nuits... d'échine ?

< mardi 7 septembre 1999 >
Chronique

Vous avez bien chiné ? À la bonne heure ! Connaissez-vous, pour autant, l'origine de ce verbe ? Étroit rapport avec ces chinoiseries que ne manque jamais d'entraîner le plus élémentaire des marchandages ? Allusion plus lointaine aux courbettes extrême-orientales que vous impose l'examen attentif de l'article convoité ? Ou encore au sourire jaune qui se dessine sur votre visage quand vous vous rendez compte que l'on vous a refilé un nanar ? Vous n'y êtes pas. Au contraire du tissu chiné, qui nous vient bien de l'autre côté de la Grande Muraille, cette chine-ci n'a rien à voir avec le pays dont, hier encore, on vantait les nuits câlines... Au dire des spécialistes, il s'agirait bien plutôt de l'altération du mot échine : n'est-ce pas sur cette dernière que pesait jadis le fardeau des colporteurs, lesquels se traînaient de porte en porte pour vendre de menus objets et en profitaient pour mendier ? La chine a donc été, dans un premier temps, l'apanage des vendeurs, du moins de ceux qui s'adonnaient au commerce ambulant. Puis, à la faveur d'une extension de sens qui n'est rien moins que rare au sein d'une étymologie où les transfuges sont légion, le mot est passé à l'ennemi (?) pour s'appliquer aussi à l'acheteur et se figer dans le sens qu'on lui connaît aujourd'hui : « chercher des occasions (de grâce, pas d'opportunités !) chez les brocanteurs ». Il est vrai qu'en la matière la barrière entre les deux espèces est plus que jamais franchissable : quel vendeur de puces n'est pas d'abord acheteur, et vice versa ? À noter également (à moins que le lecteur n'en ait déjà plein le dos) que la même échine se trouve probablement à l'origine du sens figuré du mot chiner : « critiquer, railler ». À force de taquiner quelqu'un, n'en arrive-t-on pas, il est vrai, à l'éreinter ? Espérons en tout cas que ces précisions ne décevront pas le chineur dans ses rêves d'exotisme et qu'il mettra toujours autant d'ardeur à traquer la bonne affaire, pourquoi pas un chine dûment estampillé, celui-là ? Quant à nous, formons des vœux, au seuil de cette nouvelle année scolaire, pour que la langue soit bien la dernière à être bradée...