À la fortune du mot
Il n'y a pas que le bison qui se prête à la métaphore : notre langue prend de toute évidence un malin plaisir à chercher la petite bête...
Il y a anguille sous roche. Les Romains parlaient plus volontiers d'un serpent (anguis) caché dans l'herbe. C'est sous l'influence du vieux mot guille (ruse, entourloupe) que ledit serpent s'est transformé en anguille, et que l'herbe, du même coup, est devenue roche...
Avoir un chat dans la gorge. Quelle drôle d'image, quand on y pense ! En fait, il ne s'agit pas ici de l'animal, mais de l'agrégat gluant qui embarrasse le gosier et éteint la voix : confusion avec les chas d'hier, grumeaux qui se formaient dans la pâte ? Ou jeu de mots sur maton, lequel renvoyait jadis au chat comme au lait caillé ?
Avaler des couleuvres. À l'origine, on se bornait à avaler des couleurs, ces dernières étant prises au sens ancien d'« apparences trompeuses », toujours vivace dans notre expression sous couleur de. Le glissement s'est effectué d'autant plus spontanément que la couleuvre symbolise à merveille les manœuvres tortueuses !
Tirer les vers du nez. Curieuse idée, là encore... À telle enseigne que nombre d'étymologistes ont tenté de rattacher ce prétendu ver au verum latin : « le vrai ». Le nez — Pinocchio en sait quelque chose ! — n'a-t-il pas toujours été considéré, de son côté, comme un indicateur fiable du mensonge ? Il reste à expliquer, évidemment, pourquoi l'anglais recourt à une expression identique : to worm a secret out of somebody. Là, plus d'échappatoire possible : worm désigne bel et bien le ver ! Il est vrai que la médecine d'hier avait tendance à le loger un peu partout...