Après la vache folle, le bison futé...

Journées rouges pour la langue

< mardi 15 juillet 1997 >
Chronique

Nous n'entendons pas grossir ici le nombre des recommandations dont, avec raison, nous abreuve la Prévention routière à l'heure des grands départs. Tout au plus attirer l'attention du lecteur sur les dangers qui, en ces temps troublés, pèsent aussi sur sa phrase. S'ils sont, c'est vrai, beaucoup moins lourds de conséquences que les infractions classiques, les manquements au code de la langue méritent tout autant d'être combattus, sur la route des vacances comme ailleurs... Profitons donc des présentes colonnes pour rappeler que ce quidam qui vous empêche de doubler est une espèce de cornichon (d'abruti, de crétin, d'idiot, rayez les mentions inutiles), même si, comme c'est probable sur le vu des statistiques, c'est un homme qui conduit ! Si vous êtes furieux contre lui (et non pas après lui), vitupérez-le (ce verbe est transitif direct), au besoin prenez-le à partie (à condition de bien mettre, mentalement, le e final), mais n'allez pas jusqu'à l'agoniser d'injures car vous ajouteriez alors le barbarisme à la barbarie : le verbe adéquat est agonir ! Le mieux est encore de garder son sang-froid et, pour ce faire, de s'abstenir de boissons alcooliques (réservez l'adjectif alcoolisé au grog, à la tisane ou à toute autre boisson à laquelle vous ajoutez vous-même de l'alcool). De même, si vous ne pouvez vous empêcher de pester contre le trafic, n'encombrez ce dernier d'un f supplémentaire que si vous séjournez outre-Manche... Au demeurant, dites-vous bien que vous pourriez faire partie des victimes d'un accident (le langage surveillé n'emploie accidenté que pour qualifier l'état d'un terrain) ou de ces personnes grièvement blessées que vous apercevez sur le bas-côté (l'expression blessé grave continue à diviser les grammairiens, beaucoup faisant valoir que ce n'est pas le blessé qui est grave, mais bien plutôt sa blessure). Si vous souhaitez regagner vos chers pénates (masculin, au contraire de pantoufles !) sans trop de mésaventures (laissez les avatars aux adeptes de Vishnou), levez le pied... Ou, à l'avenir, voyagez dans le dictionnaire, c'est moins risqué !