La Voix au chapitre
C'est aussi la rentrée pour les dictionnaires, et les médias de nous rapporter, comme chaque année, le mal que se donnent nos lexicographes pour « flairer l'air du temps »... Un exemple parmi nombre d'autres : la « télé-réalité », dont bruissent régulièrement les gazettes et qui sert de toile de fond à la présente chronique, vient de faire son entrée dans le Petit Larousse 2004. Mais, il faut ce qu'il faut, sous une forme inédite (téléréalité) que personne jusqu'ici, du Point au Canard enchaîné en passant par votre quotidien préféré, n'avait spontanément adoptée ! S'agit-il en l'occurrence de rappeler à l'usager qu'il ne saurait que proposer, quand le lexicographe est seul à disposer ? De céder à la mode de la soudure, que n'auront pas peu contribué à lancer les réformateurs de 1990, sous prétexte qu'un mot simple sera toujours plus facile à mettre au pluriel qu'un mot composé ? La véritable raison est peut-être plus accablante encore. Pour n'avoir jamais eu le courage de distinguer entre les deux sens de l'élément télé — le premier, issu du grec têle, « loin », et signifiant « à distance » ; le second, abréviation de télévision —, on s'est condamné à appliquer jusqu'à l'absurde, et au nom de la cohérence, une règle plus simpliste que simplificatrice : ledit élément se joint au mot sans trait d'union... dans les deux cas ! Et tant pis si chacun, aujourd'hui, sent bien que télé-réalité n'a rien à voir avec télécopie ! À commencer par Robert, qui cautionne télé-achat. À continuer, et ce n'est pas le moins cocasse, par le... Larousse pratique, publié il y a peu : c'est télé-réalité qui y constitue l'entrée, la graphie prônée par son grand frère n'étant évoquée qu'à la fin de l'article, un peu comme une tolérance ! Faut-il voir là une incohérence ? Ou les prémices tant attendues d'une salutaire prise de conscience ?