Nos politiques au contact des « vraies gens » ?

Le ramdam des trente-six heures

< mardi 9 septembre 2003 >
Chronique

Décidément, 2003 a toutes les chances de passer à la postérité comme l'« année Giscard ». Non content d'avoir donné une constitution à l'Europe, l'Ex (ainsi que l'appellent méchamment certains) pourrait bien réclamer des droits d'auteur aux têtes pensantes de TF1 pour peu que leur émission de « télé-réalité politique » — provisoirement intitulée 36 heures, Martine va crier à la régression sociale — vînt à voir le jour. N'est-ce pas lui qui, dès les années 70, s'invitait à dîner chez le citoyen lambda pour y contempler la France au fond des œufs (brouillés de préférence) ? Et le tout, déjà, sous l'œil indiscret des caméras ? Que celui qui petit-déjeunait avec les éboueurs se soit lui-même ramassé et fait jeter n'a pas l'air d'émouvoir la classe politique, laquelle se bousculerait au portillon. L'idée, c'est vrai, a tout pour séduire si l'on sait tirer parti du calendrier : Francis Mer en février, pour aider le contribuable à déclarer ses revenus ; Luc Ferry en mai, pour garder les enfants durant les grèves ; Roselyne Bachelot en août, pour régler la « clim' »... Le projet fascinerait même (autant qu'il l'épouvante, car l'intéressé connaît ses ministres) l'inventeur de la France d'en bas, toujours prompt à aller au-devant des « vraies gens ». Dommage que l'académicien Alain Decaux, n'ait plus son couvert mis au gouvernement, nous l'aurions prié — un jour et demi n'eût pas été de trop — de nous expliquer pourquoi la langue française, cartésienne s'il en est, a réchauffé dans son sein ce transsexuel notoire qu'est le mot gens. Du beau sexe quand l'adjectif le précède immédiatement (« Ce sont les vieilles gens qui risquent de recevoir la visite de M. Mattei »), le drôle se pare en effet des plumes du mâle dans tous les autres cas : si l'adjectif ou le participe suit, (« Ces gens timides ne sont pas transportés d'aise à l'idée d'accueillir M. de Robien ») ; si l'adjectif ou le participe précède, mais sans être épithète (« Conscients de l'aubaine, les gens glisseront leurs P.-V. dans la poche de M. Sarkozy »). Sans faire d'histoire (du moins, on l'espère !), le docte Alain serait remonté aux sources du flou, à savoir au latin où le mot gens, « famille, race », était féminin (notre gent en garde la trace). Aussi bien, voilà un débat qui laissera nos politiques de marbre. Parce que chez ces gens-là, monsieur, on ne glose pas plus sur le sexe des votes que sur celui des anges... On engrange !