Même si le sport est dans la seringue...
Ne dopons pas la langue !
Tour de France sur la sellette, décès prématuré de Florence Griffith-Joyner, footballeurs de Parme soupçonnés de se faire piquer les jambons, c'est l'ensemble du sport qui est actuellement dans la seringue ! Le dopage revenant en quinzième semaine, comment ne pas s'interroger sur la nouvelle coqueluche des médias : le contrôlé positif ? Curieuse expression, en vérité. Dirait-on d'un prévenu qu'il a été « interrogé coupable » ? D'un patient qu'il a été « radiographié tuberculeux » ? À y bien regarder, contrôle positif est déjà une insulte au bon sens : pas plus que le blessé n'est grave — c'est sa blessure qui l'est —, le contrôle n'est positif (à moins, bien sûr, que l'on n'entende par là qu'il est bénéfique). Déclaré positif à la suite d'un contrôle serait donc plus conforme à la logique... mais aussi plus long, et l'on sait combien le monde du sport est friand de raccourcis. On ne fait plus aujourd'hui exploser une défense, on « l'explose », tout simplement, et tant pis si, au passage, l'on transforme un verbe intransitif en verbe transitif : la langue n'est-elle pas censée évoluer ? De même, on ne joue plus contre un adversaire, on « le joue », sans s'apercevoir que la construction ne met pas à l'abri des équivoques : dire que les Français ont « joué » les Brésiliens le 12 juillet dernier signifie-t-il qu'ils ont joué contre eux... ou qu'ils les ont ridiculisés, qu'ils se sont joués d'eux ? On nous objectera que cette dernière acception de jouer (« berner, tromper ») est littéraire, voire vieillie. On ajoutera, de façon plus générale, que le français crève de son purisme quand l'anglais doit à sa souplesse naturelle de s'être imposé comme la langue internationale. Ce n'est pas faux, encore qu'il le doive au moins autant, on ne le répétera jamais assez, au poids politique et économique du géant américain. Aussi bien, il n'y a par définition qu'une langue véhiculaire, et le français n'a plus rien à gagner à calquer les hardiesses d'outre-Manche. Il risque, au contraire, d'y perdre son âme, et plus particulièrement ce qui faisait jusqu'ici sa force, à savoir sa clarté.