Vague de fond pour « Titanic »
Ah ! qu'il est beau le paquebot !
Que l'on ait été séduit ou agacé par le film de James Cameron ; que l'on fasse partie de ceux que le réputé insubmersible a su toucher avant de couler ou que l'on préfère ironiser sur le côté un rien bateau d'une bluette sentimentale au ras des... paquebots ; que l'on fonde ou qu'en iceberg impénitent l'on reste de glace devant les amours, aussi attendrissantes que prévisibles, de la belle et du clochard ; que l'on surfe sur la vague du consensus ambiant ou que vous taquine l'envie, dès la première heure de projection, de jouer les iconoclastes en envoyant le tout par le fond, force est de reconnaître que Titanic, avec ses onze oscars, est passé à Hollywood comme une lettre à la poste. Au reste, cela ne surprendra que ceux qui ignorent l'étymologie : ce paquebot qui sonne tellement français n'est autre que la francisation, déjà ancienne puisqu'elle remonte au XVIIe siècle, de l'anglais packet-boat, littéralement « bateau préposé à l'acheminement de la correspondance ». À l'époque, en effet, le mot packet désignait en Angleterre, comme en France son équivalent paquet, l'ensemble de toutes les lettres portées par le courrier... C'est, lit-on dans le Dictionnaire historique de la langue française (Robert), l'habitude d'embarquer des voyageurs à bord de ces bateaux, notamment sur la ligne régulière Calais-Douvres, qui a fait que l'appellation est restée attachée aux navires de transport de passagers, très prisés tout au long du XIXe siècle sur les lignes transatlantiques. On comprend mieux pourquoi le triomphe de Titanic n'a pas fait un pli ! Le moins piquant de l'histoire (que nous simplifions, notre paquebot moderne s'étant tour à tour écrit paquebout, paquet-bot et même paquebouc !) n'est d'ailleurs pas que ce géant des mers ait failli passer à la postérité linguistique sous le nom inattendu de... paquet, les dictionnaires Larousse du début du siècle ayant un temps entériné cette version de la forme anglaise abrégée packet. On ne s'étonnera plus guère que les Américains, toujours prompts à le mettre dans leurs superproductions, se disposent aujourd'hui à en toucher un assez joli...