Garder ou ne pas garder la Chambre ?

Dissolution, piège à conjugaison !

< mardi 6 mai 1997 >
Chronique

Pour avoir entendu un homme politique affirmer avec l'air d'y croire, dans un des tout premiers débats de la campagne, que les problèmes « se résolveront » peu à peu, beaucoup se seront dit que notre dessinateur Bap n'avait pas eu tort de conseiller à Jacques Chirac, il y a quelque trois semaines, de remanier plutôt que de dissoudre ! C'est que ces verbes en -soudre, s'ils ne sont que trois (absoudre, dissoudre, résoudre), posent d'épineux problèmes à l'usager du français. D'abord, à la différence de la plupart des autres verbes en -dre, ils perdent leur d aux deux premières personnes du singulier du présent de l'indicatif (j'absous, tu dissous) et l'échangent, à la troisième personne, contre un t : il résout, et non il résoud... Il est vrai qu'ils sont imités en cela par les verbes en -indre (craindre, je crains ; joindre, tu joins ; peindre, il peint) et que faute partagée est à demi pardonnée ! Hélas, ils ne s'en tiennent pas à cette seule bizarrerie... Passe encore qu'ils changent de radical à tout bout de champ (j'absolvais à l'imparfait, j'absoudrai au futur simple) : ce ne sont pas, après tout, les seuls verbes irréguliers de notre grammaire ! Fermons encore les yeux sur leur penchant à nous poser des lapins. Ne cherchez pas, par exemple, le passé simple de dissoudre, les meilleurs écrivains s'y sont cassé les dents : Il dissolut ? Il dissolvit ? Il dissolva ? Que nenni ! Le drôle n'existe pas... Mais le comble est atteint au participe passé, où, des plus curieusement, un féminin en -te (absoute, dissoute) répond à un masculin en -s (absous, dissous) ! Au dire d'André Goosse, il s'agirait là des deux seuls mots français dans ce cas (résous ne s'emploie plus qu'avec le sens restreint de « transformé », supplanté qu'il est par résolu), ce qui a conduit le Conseil supérieur de la langue française à faire campagne, en 1990, pour les graphies absout et dissout... avec le succès que l'on sait. On ne pourra du moins reprocher à Michel Rocard, à l'initiative de qui s'étaient réunis les sages dudit Conseil, de n'avoir pas cherché à faciliter la tâche de Jacques Chirac !