Quand « La Voix » se fait lactée...

La comète superstar

< mardi 22 avril 1997 >
Chronique

Que dire qui n'ait été dit, déjà, sur la comète de Hale-Bopp ? Mais tout ce qui touche à la langue, pardi, et qui n'est pas, a priori, moins passionnant que le reste ! Sait-on toujours, par exemple, que l'étymologie du mot comète est, plus qu'une autre, tirée par les cheveux ? C'est que la comète dérive — si l'on ose dire — du grec komê, « chevelure ». Elle le doit moins à sa traînée lumineuse, comme semble pourtant le croire Alain Rey dans son Dictionnaire historique de la langue française, qu'à l'auréole faite de gaz et de poussières qui pare sa tête. Ne nous gargarisons pas, cela dit, de détails techniques : le lecteur en a été abreuvé, ces dernières semaines, par nombre de spécialistes... à tous crins ! Intéressons-nous plutôt aux expressions imagées que l'astre chevelu n'a pas manqué d'entraîner dans son sillage. Tirer des plans sur la comète se passe de commentaire : rien d'étonnant à ce que la locution renvoie à des projets chimériques, l'étoile errante ne nous rendant visite que de loin en loin... Filer la comète, au sens de « vagabonder, passer la nuit dehors », est déjà plus coriace : sans doute convient-il d'y voir une variante de filer le ruban (« suivre la route », en argot), comète désignant également, par analogie, un ruban très mince. Là n'est d'ailleurs qu'un des multiples sens du mot, qui s'est encore appliqué à une tranchefile de relieur, à une figure de blason ainsi qu'à un brancard couvert sur lequel on transportait au cimetière le cercueil des jeunes enfants. L'insatiable comète a même donné son nom, vers 1700, à un jeu de cartes que beaucoup considéreront comme l'ancêtre de notre nain jaune : n'y était-il pas question de constituer une suite de cartes qui, par sa longueur, rappelât la queue de l'astre ? Ne mentionnons enfin que pour mémoire le vin de la comète, cru légendaire que la tradition fait remonter à 1811. Ne serait-ce que pour s'extasier, une fois de plus, devant l'inconséquence des humains, lesquels, ayant d'abord vu dans la comète une messagère du malheur, n'ont pas hésité à s'en servir, ensuite, pour qualifier une année d'exception !