À la fortune du mot

< mardi 12 août 1997 >
Vocabulaire

Impossible de recenser ici toutes les expressions qui recourent à des numéraux : le lecteur succomberait... sous le nombre ! Bornons-nous à examiner les plus insolites d'entre elles...

La cinquième colonne. Cette locution désignant l'ennemi intérieur nous vient de l'espagnol. Elle remonte à 1936, date à laquelle Madrid était investie par quatre colonnes de soldats nationalistes. La cinquième, intra-muros, regroupait les partisans du général Franco.

Le bouillon d'onze heures. Que l'expression s'applique à un breuvage empoisonné ne fait aucun doute. Mais pourquoi « onze heures » ? Peut-être parce qu'il y est question d'avancer l'heure de la mort, la vie d'un homme étant symbolisée par un tour de cadran... Ou encore, hasarde Duneton, parce que cette heure-là, dernière de la journée (minuit inaugure le jour suivant), évoque la dernière de l'existence....

Se mettre sur son trente et un. Pour expliquer cette locution toujours vivace, on a invoqué une possible confusion avec le trentain (drap de luxe), ainsi qu'une allusion à un jeu de cartes où, pour l'emporter, il fallait totaliser trente et un points. Mais les variantes trente-deux et trente-six ruinent l'une et l'autre hypothèse...

S'en moquer comme de l'an quarante. Mêmes hésitations. On a longtemps cru qu'il s'agissait là de l'an quarante de la République... dont les royalistes affirmaient qu'il ne verrait jamais le jour ! Mais l'expression est attestée avant l'adoption du calendrier révolutionnaire. D'autres veulent voir dans cet an quarante une déformation de l'alcoran, forme ancienne du Coran qui ne pouvait que laisser indifférents des chrétiens fervents...