À la fortune du mot
Est-ce parce que les mots sont, peu ou prou, les habits de la pensée ? Toujours est-il que les locutions n'ont jamais fait défaut, dans notre lexique, pour traduire l'élégance ou son contraire. En voici quelques exemples des plus savoureux...
Brave comme un bourreau qui fait ses pâques. L'expression, en usage au XVIIe siècle pour se moquer d'un bourgeois vêtu de neuf, se comprend mieux quand on sait qu'à l'époque tout bourreau était contraint de porter des habits qui rappelaient, par une marque quelconque — échelle ou potence — sa peu reluisante besogne. Il n'était autorisé à les quitter que pour fêter Pâques !
Crever dans ses panneaux. Les panneaux en question étaient ceux de la selle, lesquels blessaient parfois la bête en la serrant excessivement. Le tour ci-dessus se disait, par métaphore, d'une personne engoncée dans ses vêtements, et qui paraissait y étouffer.
Engueuler le trottoir. Locution pour le moins vigoureuse que l'on réservait, à la fin du XIXe siècle, à quiconque portait des chaussures éculées, voire percées.
Être comme un gouverneur de lions. On se gaussait par là, peu avant 1800, de celui qui portait invariablement les mêmes habits, de peur sans doute de n'être point reconnu par son entourage pour ce qu'il était !
Ressembler au bon Dieu de Gibelou. Comparaison rien moins que flatteuse dont, vers 1850, on gratifiait ceux, bizarrement accoutrés, qui paraissaient chargés de pièces d'habillement hétéroclites. Si l'on en croit Pierre-Marie Quitard et son Dictionnaire des proverbes, la tradition voulait que les habitants de Gibelou (nous n'avons pas trouvé trace de cette localité sur nos tablettes) « enveloppent la statue de l'Enfant Jésus de chiffons de toute espèce »...