Quand Lionel Jospin se fait tailler un costume...

Des effets pas si secondaires

< mardi 9 octobre 2001 >
Chronique

Aller se rhabiller séance tenante pour ne pas avoir à le faire lors des présidentielles à venir, voilà en substance le message que la majorité plurielle a adressé il y a quelque dix jours à son chef de file, Lionel Jospin : que le Premier ministre, en ces temps d'incertitude, donne l'impression de « flotter » dans ses vêtements ; qu'il semble mal fringué à l'électeur, et c'est, paradoxalement, le moral de toute la gauche qui se retrouve... sapé ! Conseil a donc été donné au chef du gouvernement de s'habiller « plus près du corps » et de prendre en cela exemple sur son alter ego de la cohabitation, lequel, on l'a vu dans un précédent article, ménage ses effets jusque sur sa terrasse de Brégançon ! A-t-on idée, aussi, de choisir ses costumes en compagnie d'une moitié philosophe, par définition affranchie de ces misérables contingences, quand le rival de toujours s'appuie, lui, sur une Bernadette plus experte en apparitions, publiques ou non ? Certes, l'essentiel est bien, comme Lionel Jospin l'a d'ailleurs plaidé face à ses militants, d'œuvrer pour la sécurité et le bien-être des Français. Mais pour qui veut prouver qu'il a l'étoffe d'un président, aucun détail n'est à négliger et il est ici du devoir du chroniqueur du langage de rappeler au Premier ministre les leçons de l'étymologie. L'habit ne dérive-t-il pas du latin habitus, lequel voulait dire « manière d'être » ? Il n'est que trop évident que celui-là fait bien le moine, n'en déplaise à un certain proverbe, parmi les moins inspirés qui soient. Serait-il donc légitime de se casser le tronc avec de telles superfluités ? Et comment ! répond encore l'étymologie, au risque d'en scier quelques-uns. Qui s'avise encore, en effet, que le verbe abiller a d'abord signifié « préparer une bille de bois » ? Il s'agissait seulement, à l'origine, de débarrasser ledit tronc de ses branches et de son écorce avant de le livrer au scieur de long afin qu'il le débite en planches. Ce n'est que plus tard, au XVe siècle, que le verbe se parera de son h sous l'influence d'habit, qui ne lui était nullement apparenté, et qu'il revêtira du même coup le sens qu'on lui connaît aujourd'hui. Voilà qui devrait inciter le Premier ministre à accorder plus d'importance à sa mise : après tout, s'il suffit de s'offrir une nouvelle veste pour conjurer les revers, on ne voit pas pourquoi l'on s'en priverait...