À la fortune du mot

< mardi 23 août 2005 >
Courrier

Est-il destination plus appropriée qu'une île, pour un voyage de... noces ? Que diriez-vous, par exemple, d'un séjour à la Guadeloupe ? À moins qu'il ne faille dire, s'interroge une lectrice de Dainville (Pas-de-Calais), « en Guadeloupe », comme cela s'entend de plus en plus sur les ondes ? Non. Mais l'hésitation est légitime car, en l'espèce, l'usage ne l'emporte que trop souvent sur la poignée de principes que nous délivrent — a posteriori ? — les ouvrages spécialisés. Au dire de ces derniers, c'est la préposition à qui s'impose devant un nom d'île, que celui-ci s'énonce toujours sans article (à Guernesey, à Malte, à Terre-Neuve) ou qu'il en réclame toujours un (au Groenland, à la Martinique, à la Réunion). Las ! les exceptions ne sont pas rares et si certaines constructions avec en semblent critiquables (« en Haïti » ne se justifie pas plus que les snobinardes et archaïsantes « en Arles » et « en Avignon »), d'autres (en Corse, en Crète, en Irlande, en Nouvelle-Calédonie, en Sardaigne, etc.) constituent depuis toujours la norme. Pour tenter de justifier ce qui risque fort de passer, aux yeux de plus d'un usager, pour une syntaxe à la... carte, certains n'hésitent pas à invoquer la taille de l'île en question. C'est ainsi que le Dictionnaire des Difficultés du français de Jean-Yves Dournon (Hachette) préconise à « si l'île est petite », en « devant le nom des grandes îles » ! Dont acte. Mais sur quel critère se fonder pour déterminer l'importance d'une île ? Une grammaire digne de ce nom doit-elle vraiment faire dépendre ses préceptes d'une superficie ? Poser ces questions, c'est, nous semble-t-il, déjà y répondre. Et confirmer que, décidément, il en va de l'usage comme du cœur : le drôle « a ses raisons que la raison ne connaît pas » !