Ce n'est pas la peine d'en rajouter !

Bis repetita... non placent

< mardi 23 février 1999 >
Chronique

Est-ce la peur de ne pas être entendu, au sein d'un monde où les sollicitations se font de plus en plus diverses ? Toujours est-il que le pléonasme ne s'est jamais si bien porté qu'au jour d'aujourd'hui ! En voilà précisément un, et non des moindres, puisque aujourd'hui, s'il est depuis belle lurette entré dans les mœurs, relève déjà, stricto sensu, du pléonasme : l'ancien français hui, issu du latin hodie, ne signifiait-il pas, à lui seul, « le jour où l'on est » ? De toute évidence, il n'est pas besoin d'une seconde couche... à moins que l'on ne veuille à tout prix en tenir une ! Méfions-nous de même de notre désarroi devant la multiplication des listes en vue des prochaines européennes, lequel pourrait nous faire imprudemment rêver au jour où tous, dans ce domaine, seront unanimes : l'unanimité peut-elle se concevoir sans l'adhésion de tous ? Est-ce, enfin, pour combler le fossé qui va s'agrandissant entre les conditions sociales que nombre de nos semblables aspirent à être mis sur un même pied d'égalité ? Sur un même pied suffirait au bonheur des plus pauvres, sur un pied d'égalité à la frustration des plus riches... Et que dire de cette propension, de plus en plus marquée, à la redondance grammaticale, qui nous amène à jalonner notre discours de car en effet, de donc par conséquent, de puis ensuite, de mais pourtant ou de quoique toutefois ? N'aurait-on plus confiance en la capacité de l'interlocuteur à suivre une argumentation, pour que l'on juge nécessaire d'en souligner ainsi les étapes (gardons-nous, en l'espèce, d'ajouter successives) à l'encre rouge ? Encore ne s'agit-il là que de quelques exemples de fautes qui paraîtront presque vénielles, en regard des francs solécismes que constituent des redondances comme : « C'était un article dans lequel on y traitait du pléonasme » ou « De toute cette démonstration, on peut essentiellement en conclure... ». Qui ne verrait que y et en font ici double emploi avec le nom qu'ils sont censés représenter ? En matière de syntaxe, faut-il vraiment le rappeler, abondance de biens nuit... presque toujours !