Adjectif épithète :
pas d'utilisation continue
sans avis grammatical !
Un lecteur qui se dit assidu de cette chronique s’agace de ce « déni démocratique » dont nombre d’électeurs se gargarisent actuellement, à droite comme à gauche, pour crier leur sentiment d’avoir été floués…
Le fond n’est pas en cause : s’il l’était, le sujet n’aurait pas sa place sous cette rubrique. L’indispose davantage la propension du locuteur d’aujourd’hui à accommoder l’adjectif à toutes les sauces, et plus particulièrement là où un complément du nom ferait bien mieux l’affaire. Ne siérait-il pas plutôt, se demande-t-il, de dénoncer un « déni de démocratie », sur le mode du déni de justice ?
C’est une bonne question, et, selon la formule consacrée, il faut remercier ce lecteur de l’avoir posée. Il n’est que trop vrai, en effet, que, par paresse ou souci de concision, on demande audit adjectif tout et son contraire, au mépris, souvent, de la clarté du message. Un exemple parmi cent ? On parle tout aussi bien, par les temps qui courent, de « maltraitance animale » que de « souffrance animale ». À y bien regarder, pourtant, il s’en faut que l’adjectif remplisse ici et là la même fonction : dans le second cas, c’est bien l’animal qui souffre, alors que, dans le premier, on le maltraite. La langue de Descartes devrait-elle tolérer de tels à-peu-près ? Encore est-on là dans l’euphémisme, quand un seul et même mot sert à exprimer deux réalités diamétralement opposées !
Ceux qui s’en sont rendu compte préfèrent parler de maltraitance ou de cruauté « envers les animaux ». Plus long, certes, mais aussi plus clair : c’est que la précision a un prix ! Vous nous objecterez que tout le monde avait compris et que, s’il s’était agi du phénomène inverse, autrement dit d’une agression de l’homme par l’animal, il ne serait venu à l’idée de personne d’évoquer une « maltraitance animale ». Dommage, cela dit, car, stricto sensu, l’expression eût été là autrement fondée !
Gardons-nous toutefois de raisonner sur des cas particuliers : renoncer à la précision une fois, c’est risquer d’y renoncer toujours, jusques et y compris dans des contextes où le sens ira moins de soi. Plus moyen de savoir, désormais, si un « journaliste sportif » fait du sport ou se contente d’en parler. Difficile de s’en offusquer, puisque cette « extension du domaine de l’adjectif », pour parler comme Michel Houellebecq, est largement entrée dans les mœurs : l’Académie elle-même adoube dans son Dictionnaire les « commentateurs sportifs ». Mais il n’est pas interdit de le regretter…