Quand le tapis se révèle
impuissant à masquer la poussière...

< dimanche 8 septembre 2024 >
Chronique

Nos linguistes se répandent dans les médias, se disant « atterrés » du fossé qui se creuse de plus en plus entre la règle et l’usage, notamment pour ce qui est de l’accord du participe passé conjugué avec avoir.

Selon eux, il n’y a pas trente-six moyens de le combler. Oublions déjà celui qui consisterait à enseigner plus efficacement la règle pour la faire appliquer : contraignant, répressif, et pas dans l’air d’un temps brouillé avec toute notion d’effort. Mieux vaut au contraire la modifier, entendez par là la simplifier à l’extrême, et tant pis si, au passage, la langue y perd en clarté et en précision.

C’est ainsi que, dans le sillage de deux professeurs belges qui en ont fait leur cheval de bataille, nos « Rectificateurs » de 1990 plaident depuis belle lurette pour la mise au rancart de l’accord du participe avec le COD qui le précède, sous prétexte que plus personne ou presque ne s’y conforme. Concédons-leur que ce n’est pas faux ! Mais, à cette aune, l’amendement qu’ils proposent (invariabilité du participe passé construit avec avoir dans tous les cas, accord tout aussi systématique avec être) est obsolète avant même d’avoir été adopté : aujourd’hui, tout participe, même celui que l’on conjugue avec être, semble voué à l’invariabilité.

C’est une « grande reportrice » qui, aux Informés de France Info, en juillet dernier, réagit aux propos de ceux (et celles) qui l’ont précédée au micro d’un « Beaucoup de choses ont été dits. » Il s’agit pourtant là d’une dame bardée de diplômes, habituée depuis sa plus tendre enfance à user du féminin pour parler d’elle-même, et sans doute soucieuse d’assurer à son sexe la « visibilité » qu’il mérite amplement. C’est, la semaine dernière, un éditorialiste de BFM TV qui suppose que le voyage en Serbie du chef de l’État va retarder encore la nomination d’un Premier ministre : « Les choses vont être mis en pause » (l’absence de liaison ne laissant aucun doute sur le fait que l’on a opté pour l’invariabilité).

Des exemples en tout point comparables pourraient remplir dix rubriques comme celle-ci, prouvant de surcroît que le phénomène s’étend aux participes employés sans auxiliaire, soit comme de simples adjectifs : le « Informations requis » de certaines caisses automatiques parlantes, déjà signalé dans ces colonnes, le confirme mieux que de longs discours.

Question atterrée aux linguistes réformateurs : jusqu’où faudra-t-il aller dans le renoncement pour que le fossé susdit se résorbe ? Jusqu’au borborygme ?