Quand il y a de la place pour un,
il n'y en a pas forcément... pour deux !
Dans le domaine de l’information lui-même, il arrive que le fond nous retienne moins que la forme : ce fut le cas de la première apparition officielle de Charles III en public depuis l’annonce de son cancer.
C’était au cours du journal télévisé (prononcer désormais « jité ») de France 2, dimanche dernier. On ne fut pas surpris d’entendre que le roi, toujours sous chimiothérapie, avait été placé un peu à l’écart de la communauté dans la Saint George’s Chapel de Windsor : inutile de tenter d’éventuels microbes qui mettraient à mal ses défenses immunitaires ! On le fut davantage en le voyant, à la sortie de l’office, braver les consignes en s’offrant un bain de foule, mais n’importait-il pas de rassurer un royaume ébranlé par les récentes révélations de Kate ? Cela dit, ce qui nous étonna le plus fut d’apprendre, par la bouche du journaliste sur place, que le roi « avait serré cinquante-six poignées de main ». Ne faut-il pas avoir du sang bleu dans les veines pour être à même de « serrer une poignée de main », à plus forte raison cinquante-six ?
Que celui qui n’a jamais affronté ce que Sheila appelait les aléas du direct jette la première pierre audit confrère ! Tout le monde aura d’ailleurs compris que le souverain avait en fait donné cinquante-six poignées de main, ou encore serré cinquante six mains (voire cent douze, pour peu que, dans une débauche tactile digne de notre roi à nous, il eût cru bon de se saisir à chaque fois des deux). Combien de fois ne s’emmêle-t-on pas les pinceaux jusqu’à dire les choses deux fois… qui ne vaudront jamais mieux qu’une ? Du verbe serrer et du nom poignée, c’était un de trop… Voilà qui nous rappelle cette question angoissée posée naguère par Le Monde : « La prise en charge des rhumes sera-t-elle toujours remboursée ? » Mais pourrait-on encore parler de prise en charge s’il n’y avait plus remboursement ?
Il « suffit juste » de tendre l’oreille pour s’entendre « souhaiter des vœux » ou « demander une question » ; assister à des vols de drones « télécommandés à distance » ; apprendre que tel footballeur « a choisi d’opter » pour tel club ! C’est à croire que le discours d’aujourd’hui se règle de plus en plus sur la sempiternelle question de la bouchère de notre enfance, laquelle, ayant dûment constaté que le poids indiqué par la balance excédait celui de la commande, minaudait invariablement : « Il y en a un peu plus, je vous le mets quand même ? »