Sur le front des stades,
j'écris ton nom : Publicité

< dimanche 31 mars 2024 >
Chronique

Paul Éluard nous pardonnera, nous l’espérons, ce détournement de l’un de ses plus beaux poèmes : si impertinent est le procédé, juste est la cause, celle d’un sport désormais voué au réalisme économique.

Nous venons d’apprendre que l’élite du football français va évoluer, trois ans durant, au sein de la « Ligue 1 McDonald’s ». Rien à redire, pour nous, au choix lui-même, sinon que ce n’en est pas un : une vente au plus offrant plutôt ! Quant à l’humoriste, il s’en réjouirait presque. Du temps de Conforama déjà, il était clair que le football français cherchait à sauver les meubles. Avec Uber Eats, on eut le sentiment que l’histoire repassait les plats. Sous l’égide de McDo, les commentateurs oseront-ils encore s’indigner quand le jeu leur paraîtra par trop haché ? l’arbitre sortir le carton jaune parce qu’un joueur a été pris en sandwich ? On peut à tout le moins souhaiter, dans le contexte de violence que nous connaissons actuellement, que les supporteurs viennent comme ils sont, en laissant chez eux fumigènes, matraques et couteaux.

Combien d’enceintes sportives ont déjà succombé à la tentation de ce « naming » si lucratif ? Groupama Stadium à Lyon, Allianz Riviera à Nice, Matmut Atlantique à Bordeaux… « Sinistre ! », jugeront d’aucuns. Mais pouvait-on s’attendre à autre chose de la part de compagnies d’assurances ? Même l’OM, sur fond de grande bleue, a cru bon de repeindre son stade Vélodrome aux couleurs d’Orange, au risque que les passes, à domicile, se fassent de plus en plus téléphonées. Quant à nos Dogues, s’ils restent fidèles à Pierre Mauroy, ils prennent leur pâtée chez Decathlon. Déjà plus sportif que Royal Canin !

On frémit à l’idée que bientôt cette manie puisse déteindre sur les hauts lieux de la sphère culturelle : à quand le mariage en grande pompe du Louvre et de Vinci, du Grand Palais et de Leroy-Merlin, ou encore du château de Versailles et de Carglass ?

Au fond, que le « nommage » proposé par les commissions de terminologie ne soit pas parvenu à faire son trou est plutôt une bonne chose : ne risquait-il pas, précédé de l’article indéfini et par la grâce de la seule liaison, de passer pour un… hommage, ce qui eût de toute évidence relevé du contre-emploi ? Ce n’est finalement que justice si, à une démarche mercantile et intéressée, correspond un mot affreux et imprononçable. Quand la main est de fer, sied-il vraiment de la recouvrir d’un gant de velours ?