À la retraite ? en retraite ?
mieux vaut se demander :
à partir de quand ?

< dimanche 8 janvier 2023 >
Chronique

C'est bien connu : chat échaudé craint l'eau froide ! L'usager du français se fait si souvent reprendre en usant de sa langue maternelle qu'il en viendrait à inventer des règles — et des pièges ! — là où il n'y en a pas.

Il en va ainsi de cette retraite dont on devrait beaucoup parler dans les semaines qui viennent. Pour peu que nous échoie un jour ce qui apparaît de plus en plus comme un graal, que conviendra-t-il de dire et d'écrire ? que l'on est « à la retraite » ou « en retraite » ? La question revient de plus en plus fréquemment aux oreilles de votre serviteur et donne même lieu à des débats passionnés sur la Toile.

Eh bien, sonnez hautbois, résonnez musettes, le pire n'est pas toujours sûr, jusques et y compris dans ce genre de chronique trop souvent encline à stigmatiser nos écarts de langage ! N'écoutez pas, pour commencer, ceux qui, importunés par la montée en puissance d'un en que l'on tend aujourd'hui à mettre à toutes les sauces, vous affirmeraient qu'il est ici hors de propos : Maurice Grevisse a depuis longtemps fait justice de cet ostracisme. « En parlant de quelqu'un qui s'est retiré d'une fonction ou d'un emploi, tout en continuant à toucher une somme mensuelle, affirme-t-il dans son célèbre Bon Usage, on dit qu'il est à la retraite ou en retraite. » Même largeur de vues dans les colonnes du Petit Robert (« officier à la retraite ou en retraite »), chez le progressiste Joseph Hanse (« un fonctionnaire à la retraite ou en retraite »), voire chez le puriste Jean Girodet (« être en retraite ou à la retraite »). On se pincerait presque, de peur d'y croire !

Jusqu'au distinguo, brandi par d'aucuns, entre l'état et l'action (il conviendrait selon eux de dire être en retraite mais partir à la retraite) qui vole en éclats à la simple lecture du Dictionnaire de l'Académie française dans sa dernière édition ! On y voit cohabiter en effet, et sans vergogne apparente, départ à la retraite et départ en retraite.

Seuls bémols dans ce concert de tolérance, ne saurait être considérée comme légitime que la « mise à la retraite » (largement anticipée) du président Macron, dont rêvent (au nom de la pénibilité, sans doute) nombre de politiciens opportunistes à l'occasion du conflit social qui s'annonce. De même que l'espoir, au moins aussi fou, chez ce même président, de syndicats qui finiraient par « battre en retraite ». Mais il nous étonnerait beaucoup que l'on se fût trompé sur ces deux points !