Une preuve de plus qu'il
ne suffit pas de simplifier pour résoudre
Combien de fois n'a-t-on pas répété que le français était une langue exagérément compliquée, qu'il importait de simplifier au plus vite si l'on ne voulait pas qu'elle continue à perdre des parts de marché dans le monde ?
Nos réformateurs ont trouvé dans cette constatation qui pouvait paraître de bon sens du grain à moudre, en s'attaquant notamment à ce qui, à tort ou à raison, fait figure d'épouvantail chez l'usager : le sacro-saint accord du participe passé ! D'aucuns ont même proposé dernièrement une mesure radicale pour en finir avec ce foyer endémique d'erreurs potentielles contre lesquelles on a toujours échoué à élaborer médicament ou vaccin : jamais d'accord en présence de l'auxiliaire avoir, accord systématique avec être. Astucieux, non ?
Voire ! Il n'est que de hanter les étranges lucarnes pour s'apercevoir qu'il ne suffit pas qu'une règle soit simple pour qu'elle soit respectée. Lors de la récente rencontre de football Lyon-Turin, est apparue sur l'écran de RMC Sport la question suivante : « Combien de fois la Juventus a-t-elle remportée la Ligue des champions ? » Nul besoin de réforme, pourtant, pour que le participe reste invariable : c'est le cas depuis toujours quand, en présence de l'auxiliaire avoir, aucun COD féminin ni pluriel ne le précède. Qui, ici, irait imaginer que « la Juventus » soit autre chose que le sujet du verbe ?
Plus curieuses encore, ces mesures qui « ont été pris » sur nombre de plateaux de télévision afin de freiner la propagation du virus que l'on sait ! Ne s'agit-il pas cette fois d'un participe passé conjugué avec être, et n'a-t-on pas retenu religieusement, au risque de négliger la notable exception constituée par les verbes pronominaux, que l'accord se faisait alors avec le sujet du verbe ? Cela n'empêche pas qu'au mépris de la grammaire traditionnelle comme de celle qu'on voudrait lui substituer le participe, de plus en plus souvent, demeure invariable...
Voilà deux exemples, parmi une kyrielle d'autres possibles, qui viennent rappeler qu'aucune réforme n'empêchera jamais l'usager, par paresse ou désinvolture beaucoup plus que par ignorance, de snober les règles de notre syntaxe, quelle qu'en soit la difficulté. Et qui devraient nous inciter, modestement, à nous amender nous-mêmes avant de songer à corriger un code dont des générations se sont accommodées avant la nôtre.