Une bonne nouvelle pour le français
que cette « infox » ?
À chaque époque son anglicisme : hier le « selfie », aujourd'hui les « fake news » ! Avec, dans le rôle de l'écopeuse en chef, la Commission d'enrichissement de la langue française, qui, dans la tourmente, fait ce qu'elle peut...
Avec les moyens du bord, serait-on tenté de compléter, tant il est vrai que la substantielle avance prise sur le terrain par les termes anglo-saxons a souvent raison des efforts pour inventer un substitut, si séduisant qu'il paraisse a priori. Il faut savoir que, si la Commission propose, c'est l'usage qui dispose. Et les écueils ne manquent pas, comme l'illustre le cas d'école que nous avons choisi d'évoquer ici.
Premier d'entre eux, la platitude. N'allons pas croire que la « fausse nouvelle » nous tirera d'affaire à bon compte : pas assez sexy, insuffisamment datée aussi pour un usager soucieux de vivre avec son temps, sentiment que lui procure justement le recours à un vocable étranger dans lequel il versera ce qu'il veut. D'autant que s'y ajoute une ambiguïté peu compatible avec cette réputation de précision qui, avec juste raison, s'accroche aux basques de notre langue : qui ne sentirait qu'il y a plus dans la fake news que dans la fausse nouvelle, laquelle n'est pas forcément intentionnelle et ne vise pas toujours à induire en erreur, encore moins à nuire ?
Deuxième écueil, auquel échappe rarement notre langue littéraire entre toutes : l'élégance, en témoignent ces « informations fallacieuses » qui ont un temps tenu le haut du pavé. Pas sûr, en revanche, qu'elles tiennent la route à l'oral. D'abord parce que l'adjectif fallacieux ne se trouve pas sous le sabot du premier marcheur venu. Ensuite et surtout parce que les sept syllabes que consomme l'ensemble ne peuvent que renvoyer ce dernier à ses chères études, face aux deux malheureuses dont use son concurrent d'outre-Manche.
Troisième écueil, ce souci — bien français, là encore — de sortir par le haut et d'en remettre dans le spirituel. Reconnaissons que cette « infox » a tout pour plaire. Côté concision, elle en remontrerait presque à sa rivale. Côté efficacité, difficile de faire mieux : nul besoin d'un dictionnaire pour en deviner le sens ! Chacun se souvient du jeu que Thierry Ardisson proposait à l'aube de sa carrière, lequel consistait à démêler l'info de l'intox. L'idée de fourrer l'une et l'autre dans un mot-valise n'est assurément pas la plus idiote que nous ayons eue. Reste à savoir si la sauce prendra : nos cimetières sont peuplés de mots irremplaçables.