La grand-tante :
pour beaucoup, elle a tout d'une grande !
Il est trop tôt pour dire si, dans l'affaire Grégory, la réouverture du dossier débouchera sur quelque chose de tangible. Ce qui est d'ores et déjà sûr, c'est qu'elle aura révélé le flou linguistique qui nimbe le mot grand-tante.
Il n'est que de parcourir Google pour s'apercevoir que, jusque sur les sites respectés du Monde, du Figaro, du Journal du dimanche, du Parisien, de l'Express, de Marianne, de l'Alsace, de l'Est républicain, du Bien public, du Progrès, de Nice-Matin et même de la Voix du Nord, l'intéressée est à l'occasion devenue « grande-tante », au besoin sans trait d'union ! Et nous ne parlons que de la presse écrite, alors que la faute a été entendue partout sur les ondes et les plateaux de télévision.
On ne manquera pas de s'étonner que le Français préfère assimiler la grand-tante à la grande sœur plutôt qu'à la grand-mère, que personne, jusqu'à preuve du contraire, n'aurait l'idée saugrenue de rebaptiser « grande(-)mère » !
D'aucuns en viendraient presque à se demander si nous ne payons pas là comptant la tolérance qui entoure, depuis quelques décennies, le pluriel des mots composés concernés. On sait que, longtemps, et en souvenir d'un usage latin, on nous obligea à l'invariabilité en nombre comme en genre dès que grand était suivi d'un nom féminin : grands-pères et grands-parents, mais grand-mères. Si c'est encore, aux dernières nouvelles, la position d'une Académie qui, dans l'intervalle, aura... grandement hésité, la plupart de nos dictionnaires acceptent aujourd'hui (Larousse), voire prônent (Robert) l'accord en nombre : grands-mères, grands-tantes, arrière-grands-tantes. Plus ou moins consciemment, l'usager aurait-il étendu cette licence au genre ?
Il n'est pas davantage impossible que ledit usager se montre sensible à une bizarrerie de notre langue que peut seule masquer l'habitude : pourquoi se récrie-t-on contre « grande-tante » quand personne ne croit devoir ciller sur « petite-nièce » ? Le trait d'union ne pourrait-il suffire à distinguer la « grande-tante » de la tante de grande taille, puisque aussi bien personne ne songe à confondre « petite-fille à son papy » et « petite fille à son papa » ?
C'est égal : un minimum de cohérence ne serait pas de refus. Mais ça... Autant nous répéter que si notre grand-mère faisait du vélo, elle s'appellerait Anquetil !