Pourquoi « redoubler » quand on peut
se contenter de « doubler » ?
C'est la question que se pose un lecteur pour avoir entendu le ministre de l'Éducation nationale annoncer le retour en grâce du « redoublement » : ne pourrait-on voir là, en effet, l'ombre d'une redondance ?
Quoi qu'il en soit, on ne saurait parler de faute : dans nos dictionnaires, redoubler, redoublant et redoublement sont partout chez eux. C'est loin d'être le cas pour leurs concurrents doubler (au sens, bien sûr, de « recommencer une année d'études dans la même classe »), doublant et doublement, ravalés au rang des archaïsmes et particularismes linguistiques : allez voir en Belgique, en Afrique ou au Québec si l'on y est !
Voilà qui, c'est à craindre, ne satisfera pas les esprits éperdus de logique. Ne saute-t-il pas aux yeux — aux leurs, surtout — que, dans le mot redoublant, la réitération est soulignée deux fois plutôt qu'une : par le préfixe re-, mais aussi par le sens même du verbe doubler ? D'ailleurs, qui pourrait nier que, dans les milieux de l'Éducation nationale, on donne à celui qui persiste dans son dessein de décrocher le baccalauréat malgré deux échecs successifs (une espèce en voie de disparition, cela dit) le nom de... triplant ?
C'est qu'une langue — jusques et y compris la nôtre, qui se pique pourtant d'être la plus cartésienne au monde — oublie quelquefois d'être logique et sacrifie volontiers la sobriété sur l'autel de l'insistance. Nous n'aurons garde de rappeler ici, mais nous le ferons quand même (prétérition, quand tu nous tiens !), que l'adverbe aujourd'hui était initialement considéré comme un pléonasme, le latin hui servant à lui seul à marquer le jour où l'on est. Que dire alors de la manie contemporaine de parsemer ses phrases d'un « au jour d'aujourd'hui » qui dit trois fois la même chose ? Certes, les puristes s'insurgent, mais pour combien de temps encore ?
De la même façon, on n'a que trop souvent tendance, à notre époque, à rallonger, à remplir, à rentrer, là où allonger, emplir et entrer, hier, suffisaient amplement à la tâche. En la matière, c'est toujours la peine d'en... (r)ajouter : n'oublions pas que deux précautions valent mieux qu'une dès lors qu'il s'agit d'être compris ! Pourquoi diable faire court quand on peut faire long ? La phrase, comme la nature, ayant horreur du vide, il faut bien que l'on perde ici le temps que l'on a gagné là en apocopes, aphérèses et abréviations de tout poil...