Accusé, belligérant, détenu, équipier,
fondateur, locataire, pilote, and co. !
Sur une seule et même page, à quelques lignes d'intervalle, on relevait il y a peu, chez un confrère, covoiturage et « co-pilote ». Un manque de... coordination évident, révélateur des hésitations de l'usager en la matière !
On entend dire, et cela confine même au psittacisme chez nos réformateurs, que le français est langue trop compliquée pour qu'on en maîtrise l'orthographe. Le drame est que, quand il fait dans la simplicité, il n'en retire guère les fruits ! Témoin cette règle, des plus limpides, que rappelle Jean Girodet dans son Dictionnaire des pièges et difficultés de la langue française : « Les mots en co- doivent s'écrire en un seul mot : coaccusé, coacquéreur, coadjuteur, coaxial, cobelligérant, coéchangiste, coédition, coéducation, coefficient, coéquation, coéquipier, coexistence, coextensif, cogestion, cohabiter, colicitant, colistier, colocataire, copilote, coproduction, copropriétaire, cosinus, cotangente, etc. »
Aucune exception, diront nos lecteurs, en chats échaudés qui craignent l'eau froide ? Si, mais logiques. Pour peu que le mot qui suit soit un nom composé, on utilisera le trait d'union : on écrira ainsi co-porte-parole. Cela dit, qui pourrait avoir envie de souder le préfixe au seul premier élément ? On y répugne d'instinct ! Autre limite à la règle : quand le « o » du préfixe est suivi d'un « i », ce qui risquerait d'affecter la prononciation du mot. On use alors du tréma (coïncidence, coïnculpé), afin d'indiquer que « o » et « in » doivent être prononcés séparément, au contraire de ce qui se passe pour coin-coin !
Il n'empêche que l'on rencontre souvent — pourquoi diable faire simple quand on peut faire compliqué ? — « co-associé », « co-financement », voire « co-responsable » ! Il semblerait d'ailleurs que l'on soude moins spontanément le préfixe au mot quand ce dernier est resté vivace : on écrit plus volontiers covoiturage (car le voiturage seul a beaucoup vieilli !) que copilote ou cofondateur...
Est-il besoin de préciser que ce qui vaut pour co- vaut aussi pour nombre d'autres préfixes, tel pré- ? Et oserons-nous révéler ici que, sur le site même de l'Éducation nationale, la prérentrée s'écrit encore « pré-rentrée », au grand dam de Larousse et de Robert ? On comprend que la rue de Grenelle prône un barème plus tolérant en matière de dictée : charité bien ordonnée ne commence-t-elle pas par soi-même ?