De plus en plus souvent,
genre grammatical varie :
bien fol est qui s'y fie !

< dimanche 28 décembre 2014 >
Chronique

Combien de fois n'avons-nous pas entendu parler, ces dernières semaines, de la Pakistanaise Malala Yousafzai comme de la Prix Nobel de la paix, de la romancière Lydie Salvayre comme de la Prix Goncourt ?

Au nom d'une plus grande visibilité des conquêtes de la gent féminine, on s'était presque résigné à « la professeur(e) » et à « la maire » : il n'était au fond question que d'octroyer les deux genres à des noms jusque-là exclusivement masculins. Le débat couve encore, on l'a vérifié il y a peu à l'Assemblée. Mais dès lors que les dictionnaires suivent, changeant le n. m. initial en n. unique, on peut estimer que la grammaire est sauve, et que l'habitude fera le reste !

Que penser, cela dit, de ces mots qui n'ont rien d'un titre ni d'une fonction, mais pour lesquels on cherche — sous prétexte que, appositions, ils renvoient à des êtres animés — à faire coïncider genre et sexe ? Nous avons déjà étalé notre perplexité devant cette membre du conseil municipal qui, parité oblige, peuple les gazettes. Les dictionnaires ont là un temps de retard, les membres de Larousse, de Robert et (moins étonnant) de l'Académie française restant désespérément... virils : même quand ledit mot renvoie à « chacune des personnes formant une communauté », on lui refuse le n. salvateur.

Reconnaissons qu'il s'agirait là d'un dangereux précédent. Car, pour peu que soit accepté le principe d'un genre à géométrie variable, s'adaptant au sexe de l'intéressé(e), on ne voit pas pourquoi, à moins de décréter que l'égalité ne profite qu'aux dames, l'on ne considérerait pas bientôt Johnny comme le star incontesté du rock, Patrick Buisson comme le tête pensant de la droite, voire Leo Messi comme l'arme fatal du FC Barcelone !

On nous rétorquera que le cas de la Prix Nobel est différent : il s'agit en effet d'une métonymie, la récompense servant ici à désigner le ou la récipiendaire. Mais, là encore, viendrait-il à l'idée de qui que ce soit de présenter le jockey d'obstacles Jonathan Plouganou comme « le Cravache d'or 2014 » ?

À cette aune, d'ailleurs, il est à craindre qu'il ne faille écrire, quand le ministère des Affaires étrangères échoira derechef à une femme, que « la Quai d'Orsay a aussitôt démenti » ! La grammaire, décidément, n'est-elle pas chose trop sérieuse pour qu'on l'abandonne aux mains des ayatollahs du politiquement correct ?