Quand le subjonctif coule à flots...

Café grammaire

< mardi 5 novembre 1996 >
Chronique

On le croyait mort et enterré, et voilà l'imparfait du subjonctif qui sort de la bière ! On craignait que le passé composé ne lui eût définitivement fait prendre la piquette, et voilà que, tel un grand vin, le passé simple nous revient bonifié de ses années de purgatoire ! Initiative des plus rafraîchissantes que la création du CORUPSIS (COmité pour la Réhabilitation et l'Usage du Passé Simple et de l'Imparfait du Subjonctif). Rien d'étonnant, au demeurant, à ce qu'un cabaretier s'improvise marchand de modes : peut-on rêver meilleur défenseur, pour notre subjonctif imparfait et notre passé simple, qu'un amoureux du fût, qu'un amateur de grands crus ? Ce n'est que justice, après tout, si ces espèces grammaticales en voie de disparition, riches jusqu'ici de leurs seuls déboires, sont aujourd'hui réhabilitées par... le boire ! Certes, il se trouvera toujours des pisse-froid pour insinuer que ce pro du pot a saisi là l'occasion de se faire mousser ; pour susurrer que ces toasts portés au beau langage n'ont d'autre but, au fond, que d'accorder du crédit à son débit... et autres vilenies du même tonneau. Mais pourquoi dénaturer ainsi les intentions les plus pures ? Il n'est que trop clair que ce virtuose du faux col n'a rien d'un faux cul. Et quand l'opération s'avérerait rentable sur le plan commercial (elle a déjà valu à notre aubergiste une invitation à l'émission télévisée de Julien Courbet, Sans aucun doute), eh bien, tant mieux ! Pour une fois que la publicité choisit le camp du bien-dire, vous ne voudriez pas que nous... boudassions notre plaisir ? Ce cher Alexandre Vialatte en aura tressailli d'aise dans sa tombe. Il vous l'aurait confirmé, lui, que l'abandon d'un temps, c'est un peu comme une plume que l'on arrache au paon de la langue... Nul doute qu'il n'eût fait un pèlerinage à Monpazier pour trinquer à ce subjonctif dont il usait si bien. Et cul sec, s'il vous plaît ! Les nuits de l'éternité sont tellement humides...