Sexe des villes, sexe des anges... (2)
Des cités bon chic, bon genre !
Les villes ont-elles un sexe ? Évidemment ! Il reste à savoir lequel... Les grammairiens sont pour une fois unanimes à reconnaître que l'usage n'est guère fixé. D'aucuns, épris d'ordre, ont bien préconisé le féminin pour celles dont le nom se termine par un e muet, le masculin pour les autres. Mais si cette règle — qui, d'ailleurs, cautionne le Paris brûle-t-il ? contre lequel s'était enflammé un lecteur de Merville — est souvent respectée (Annecy-le-Vieux, Mantes-la-Jolie), elle est loin de l'être toujours : ne continue-t-on pas à parler de Nice le Beau et d'Alger la Blanche ?
Quelques îlots de certitude, tout de même, dans cet océan d'à-peu-près : le masculin a tendance, on l'a dit, à s'imposer de plus en plus, ce qui n'a rien de scandaleux quand on songe qu'en français il supplée officiellement le neutre. Il est en tout cas de rigueur, non seulement (nous l'avons rappelé il y a peu) quand il est question de la population ou de l'élite de celle-ci (Tout Venise s'est soulevé, le Tout-Rome s'est déplacé), mais encore lorsqu'on évoque un quartier (le vieux Marseille), un gouvernement (Londres s'est indigné du boycott de la viande bovine) ou un club sportif : le doute a beau planer sur le sexe de la capitale des Flandres, on écrira toujours que Lille a été battu par Lens, à moins, bien sûr, que ce ne soit son tour de remporter le « derby » (pardon !) du Nord... Même soulagement quand un article bien typé entre dans la composition du nom : au mépris de leurs terminaisons respectives, Le Havre est du masculin, La Ciotat du féminin... Pour le reste, c'est la bouteille à l'encre, et il arrive que, sous la plume d'un même écrivain, l'on repère des transsexuels ! Cela fait certes mauvais genre, mais les villes se consoleront à l'idée que les navires ne sont pas mieux lotis : autre sujet bateau, où l'usage se révèle tout aussi... flottant. Mais ne brûlons pas nos vaisseaux : ce sera l'objet d'une prochaine rubrique !