Des pluriels hauts en couleur !

< dimanche 4 octobre 2009 >
Chronique

Alors, ces pages Temps libre ? Améthyste ? Mauves ? Parme ? Violettes ? Zinzolin ? Que l'on ne compte pas sur nous pour trancher, nous ne connaissons pas grand-chose en la matière ! Mais si vous voulez savoir pourquoi le « s » du pluriel s'impose là alors qu'il est indésirable ici, allons-y : la chose semble davantage dans nos cordes...

L'invariabilité d'améthyste va de soi. Il n'échappe à personne — et surtout pas aux dames, particulièrement friandes de cette pierre fine autant que coûteuse — qu'il s'agit là d'un nom commun, et beaucoup savent qu'un nom ne prend jamais la marque du pluriel dès lors qu'il est employé comme adjectif de couleur : il en va de même pour les yeux pervenche, les cheveux ébène et les lèvres vermillon. De même encore (quand, en revanche, on ne s'en aviserait pas toujours !) pour les sacs marron et les écharpes orange.

Mais alors, objecteront ceux qui ont suivi, quid de mauve ? Ne s'agit-il pas, à l'origine, de la plante ? Le cas n'est-il pas en tout point comparable à celui de l'améthyste ? Si fait. Mais à toute règle grammaticale, c'est bien connu, il faut son contingent d'exceptions, et mauve fait précisément partie, avec écarlate, pourpre et rose, de ces quatre noms dont on a oublié les antécédents pour les assimiler à des adjectifs à part entière, donc variables. D'aucuns ajoutent à cette liste fauve et incarnat, mais c'est oublier que ces deux-là ont probablement été adjectifs avant de devenir noms. Au reste, fi de ces subtilités ! Ne mettez pas de « s » à mauve chez Pivot et c'est sur les roses qu'on vous enverra...

Parme a deux bonnes raisons de demeurer invariable : non seulement c'est un nom, mais c'est un nom propre. Car vous ne vous trompez pas, il est bien question de cette ville italienne qui, généreuse comme on n'en fait plus, nous a offert, en prime, la Chartreuse, le jambon... et le parmesan ! On cultivait en effet nombre de violettes, dites justement de Parme, dans cette région transalpine qui répond au beau nom d'Émilie-Romagne.

La violette, on y vient. Avec gourmandise, car ce n'est pas, il s'en faut, le cas le moins curieux. Parce que c'est cette fleur qui, de l'avis de beaucoup, a donné naissance à la couleur que nous évoquons aujourd'hui, elle aurait très bien pu rester elle-même, comme l'amarante, la jonquille ou la pervenche de tout à l'heure, et qualifier indifféremment noms masculins et féminins. Au lieu de quoi, fait plutôt rare, elle a contribué à la création d'un authentique adjectif, violet, qui comme tel s'accorde en genre et en nombre !

Quant à zinzolin, dont nous ne parierions pas que tout le monde l'eût rencontré avant de se plonger dans cette chronique — il s'applique pourtant bien à un violet rougeâtre qui est la couleur du sésame —, il est invariable pour le Petit Robert, variable pour le Grand ! On ne s'appesantira pas sur cette bizarrerie supplémentaire, de peur que François de Closets n'écrive prochainement un nouvel ouvrage pour rappeler que l'orthographe lui en a fait voir... de toutes les couleurs !

D'autant qu'à grammaire maligne, malin et demi... Il vous est toujours loisible, après tout, et pour peu que la complexité des règles susdites vous effraie, de vous rabattre sur un sixième larron : nous voulons parler de lilas, que sa finale en « s » met définitivement à l'abri de toutes ces vicissitudes.

Elle n'est pas belle, la vie, dans les colonnes fraîchement repeintes de La Voix du Nord ?