François de Closets :
toujours plus... de contrevérités !
François de Closets s'est trouvé un énième serpent de mer : l'orthographe. Il dénonce dans son dernier ouvrage la « dictature » qu'elle fait régner dans l'enseignement et notre société, la « grande injustice » qu'elle représente pour tous ceux qui, comme lui, ont eu ou ont encore à subir ses foudres.
Pour relancer une carrière un brin somnolente depuis le lointain succès de Toujours plus !, l'essayiste a choisi le bon créneau : les médias sont toujours prompts à enfourcher ce cheval de bataille là. Peu importe que les arguments ici agités soient, à la virgule près, ceux que les réformateurs avançaient déjà... en 1990, l'essentiel est de se tailler à moindres frais un profil d'iconoclaste. D'homme ouvert, aussi, qui ne veut pas de la victoire « d'un camp sur l'autre ». Et le magnanime d'inviter à un débat dépassionné ceux qui auraient — à l'entendre ! car le goût de la lecture, l'attention, la rigueur nous semblent relever moins de l'inné que de l'acquis — « l'orthographe naturelle ». Encore faudrait-il, pour pouvoir débattre sereinement, qu'il ne vît pas dans ses contradicteurs de nouveaux « antidreyfusards », et que les contrevérités ne sourdent pas à jet continu de sa plume !
90 % des instituteurs se seraient prononcés, en 1988, pour une simplification de l'orthographe. Faux : 90 % de ceux qui avaient répondu au questionnaire du Syndicat national des instituteurs (SNI). L'ancien élève de Sciences Po a visiblement oublié ce qu'est une majorité silencieuse.
L'orthographe continuerait à être enseignée au moyen de « vieilles méthodes gendarmesques et répétitives ». Faux. Elle n'est plus enseignée du tout. Sous la houlette des pédagogues qui ont mis l'Éducation nationale en coupe réglée, et au grand dam de plus d'un enseignant, l'orthographe y est devenue persona non grata. Mais dans quel monde vit François de Closets ? A-t-il seulement lu les dictées que l'on propose aujourd'hui au brevet ? Quatre lignes et demie, le tout noté sur... six ! Au bac et au B.T.S., une copie illisible à force de fautes est pénalisée, dans le meilleur des cas, de deux points sur vingt ! On a connu, par le passé, des « dictatures » plus contraignantes...
Notre orthographe serait un « entassement de singularités, de bizarreries, d'anomalies ». Vrai... et faux ! L'imposture consiste ici à oublier que l'arbre des imperfections de détail cache une forêt dense de cohérence et de bon sens. Irrationnelle, « bête et méchante », l'orthographe française ? Pour en juger, François de Closets nous pardonnera d'accorder moins de poids à son opinion qu'à celle des nombreux scientifiques, prix Nobel en tête, qui, en 1990, avaient manifesté leur opposition à la réforme ; qu'à celle du professeur Amouyel, directeur général de l'Institut Pasteur de Lille, lequel voit au contraire dans l'orthographe la meilleure alliée de la transmission des savoirs et du travail bien fait. Mais sans doute est-il à ranger parmi ces « graphorigides » que pourfend, parce qu'ils ont le front de ne pas penser comme lui, le libéral M. de Closets...
Si « grande injustice » il y a, elle est dans ces parachutes dorés qui récompensent l'incompétence ; dans ces vertigineuses fortunes qui s'édifient à coups de clics de souris quand, dans un monde moins virtuel, beaucoup meurent de faim ; dans cet esclavage moderne que constitue le système actuel des stages, où de jeunes diplômés en mal de travail se font souvent exploiter sans vergogne. Non dans le fait que savent ceux qui, un jour, ont eu le courage — et l'humilité — d'apprendre.