À quand
une braderie des mots ?

< dimanche 2 septembre 2007 >
Chronique

À l'heure où Larousse et Robert, pour écouler leurs millésimes 2008, font impudiquement étalage de leurs « mots nouveaux », nous avons fait un rêve... Le rêve que, cette année, la Braderie était vouée aux seules antiquités du langage ; que le pavé lillois, snobant pour une fois gramophones et bonheurs-du-jour, s'était couvert de mots d'hier, de termes obsolètes, de vocables surannés. Et que l'on ne vienne pas nous dire que ces indésirables, dont nous avons fait fiévreusement l'emplette au cours de notre nuit de chine, ne sont plus en état de fonctionner ! Époussetés d'une main ferme, mis en valeur au sein d'une phrase adéquate, ils ont tôt fait de retrouver leur lustre d'antan, voire de remplacer avantageusement certains de leurs successeurs, à qui l'air du temps tient trop souvent lieu de pertinence. Tenez, ce verbe s'emboucaner que dans notre rêve on nous a cédé pour trois fois rien avec son mode d'emploi, aux abords du beffroi, n'aurait-il pas eu sa place en cet été pourri, lui qui se disait jadis communément d'un ciel qui s'assombrit, eu égard à la couleur noire que donne la fumée à ce que l'on boucane ? Excellent rapport qualité-prix, qui plus est, car le bougre peut aussi faire dans le figuré et évoquer, à l'occasion, l'horizon professionnel de Guy Roux qui... s'emboucane un tantinet ! Et cet adjectif éplapourdi, que l'on a dégoté du côté de l'esplanade, vous le trouvez tellement has been ? N'eût-il pas, infiniment mieux que sa pâle copie stupéfait, traduit votre ébahissement d'entendre un Bernard Kouchner rebaptiser le Premier ministre actuel... Jean-Pierre Raffarin ? On savait François Fillon en grand danger de transparence, attendu l'ubiquité du chef de l'État, mais à ce point... Et pour qualifier le faux pas de l'ex-futur chef du gouvernement belge, lequel, sans vergogne excessive, repeint la Brabançonne aux couleurs de la Marseillaise, la cacade d'hier ne serait-elle pas autrement convaincante que le fiasco d'aujourd'hui ? Pour un peu, on se surprendrait à se condouloir, autrement dit à souffrir avec lui. À moins qu'à l'inverse on ne se conjouisse avec les rieurs, toujours légion en pareille occasion... Non, vraiment, ce serait une salutaire thérapeutique qu'une balade d'un jour parmi ces infortunés que l'on a reconduits à la frontière du dictionnaire : elle rappellerait, aux épris de modernité que nous sommes, que tout a été dit depuis longtemps et qu'il n'y a décidément rien de nouveau sous le soleil. Enfin, sous le soleil...