D'un Fillon l'autre :
après l'ouverture , voici Laporte...

< dimanche 24 juin 2007 >
Chronique

 Johnny aux Finances ? Bigard à la Condition féminine ? Salvador à la Jeunesse et aux Sports ? Depuis le 6 mai, les supputations allaient bon train : entre tous ces poteaux, lequel botterait le plus au nouveau président ? Le verdict est tombé : ce sera Bernard Laporte, l'entraîneur (pardon, le « coach » !) de l'équipe de France de rugby... Pour tout dire, cette nomination se devinait depuis longtemps. Que le premier gouvernement Fillon comptât quinze ministres était prémonitoire. Et chacun a toujours su la passion de Nicolas Sarkozy pour l'ovale, au point de faire une fixette sur le salon du même nom de son ami Bush. De surcroît, l'intéressé n'a-t-il pas affiché à plusieurs reprises sa préférence pour les hommes de terrain, qui mouillent le maillot plutôt que de rester au-dessus de la mêlée ? Que ses lieutenants se soient, dimanche dernier, révélés incapables de transformer l'essai marqué lors du premier tour des législatives n'a pu que le conforter dans cette idée : il fallait à cette équipe de France, pour rebondir, un meneur d'hommes à poigne. C'est aujourd'hui chose faite, ou plutôt ce le sera en octobre. Unique surprise, le point de chute du ballon : on frôle là l'erreur de distribution (pardon, de « casting » !) car, selon nous, il eût été plus expédient d'installer notre divin chauve (un de plus) au Quai d'Orsay. Est-il en effet secteur de la vie publique où, à l'instar du rugby, l'on manie davantage la litote ? Une rencontre émaillée de violences est ici taxée de « virile », quand on ne parle pas de « match à l'ancienne ». Une bataille de chiffonniers y est modestement appelée une « générale ». D'ailleurs, chez ces gens-là, on ne se bat pas, monsieur : on se « frictionne ». Envoyer un uppercut se dit « donner une bouffe », un geste digne des Restos du cœur. Piétiner son adversaire, c'est, des plus hygiéniquement, « essuyer ses crampons ». Quant au vilain croc-en-jambe, pourvu qu'il soit perpétré de la main, il devient « petite cuillère », peut-être parce que c'est avec cet ustensile qu'il est d'usage de ramasser la victime ! Ne reconnaît-on pas là le langage mesuré du diplomate, qu'il sied d'adopter quand on a à pacifier le Proche-Orient compliqué ? Seul écueil, la jurisprudence Juppé : dans cette « dream team », on n'a que faire des perdants (pardon, des « losers » !). Il ne faudrait donc pas que Laporte manquât sa Coupe du monde. Sinon, il risque fort d'être plaqué et de se retrouver... sur la touche !