Des particules pas si élémentaires

Un Villepin, ça va ! De Villepin...

< mardi 6 septembre 2005 >
Chronique

La question qui se pose depuis quelque cent jours dans les salles de rédaction n'est pas tant « Le Premier ministre peut-il réussir ? » que « Faut-il parler de Villepin ou de de Villepin ? » Et, dans cette dernière hypothèse, sied-il, par souci de clarté, de distinguer la particule nobiliaire de la préposition qui précède en la gratifiant, exceptionnellement, d'une majuscule : de De Villepin ? Une telle précaution, convenons-en, semble marquée au coin du bon sens, elle est même à encourager dans certains cas... mais pas dans celui qui nous occupe, Villepin se suffisant ici à lui-même. Si, en effet, les particules du et des se doivent d'être maintenues en toute circonstance — se verrait-on louer « les sonnets de Bellay, la bravoure de Guesclin » ? —, de ne l'est que lorsque le nom qui suit comporte une seule syllabe non muette (que l'on songe aux Mémoires de guerre de De Gaulle) ou qu'il commence soit par une voyelle, soit par un h muet (voyez d'Alembert et d'Harcourt). Mais Villepin, dont le patronyme compte plus d'une syllabe et a pour initiale une consonne aux accents victorieux, ne remplit aucune de ces deux conditions. On peut donc, sans le moindre remords, faire l'économie de la particule en évoquant la politique « de Villepin ». Au reste, gageons que l'intéressé ne sera pas le dernier à s'en féliciter. D'abord parce que cette omission est l'apanage des particules authentiquement nobiliaires : celles qui ne révèlent aucune origine aristocratique ne reçoivent jamais de bon de sortie et, parce qu'elles font partie intégrante du nom, ne le quittent pas d'une semelle, pas plus qu'elles n'ont droit à la minuscule. Ensuite et à l'inverse, il n'est pas sûr qu'au pays de la guillotine l'appartenance au petit monde de ceux que l'on traitait autrefois de « ci-devant » soit de nature à élargir votre assise populaire ! Ce qui est bon pour le Vendéen Villiers, sans doute moins enclin à enfouir, en chouan qui se respecte, son drapeau de vicomte dans la poche, ne l'est pas forcément pour quelqu'un qui, s'en défendrait-il avec opiniâtreté, aspire aux plus hautes fonctions républicaines (si, si ! il en reste une...). Et puis, notre Premier ministre n'a-t-il pas suffisamment à faire avec cet autre deux, ce drôle de numéro dont on a cru bon de le flanquer à son arrivée à Matignon ? Ce manant de Neuilly ne s'embarrasse pas, lui, de particule : il est vrai qu'il tient le parti !