Une façon inédite d'aborder l'art à Vienne...

Tout nu et tout... cultivé !

< mardi 9 août 2005 >
Chronique

En matière de provocation estivale, gageons qu'il sera difficile de faire mieux que cette entrée gratuite offerte par le musée Leopold de Vienne à quiconque se présentera, pour parcourir l'exposition d'art érotique La Vérité nue, dans le plus simple appareil ! Il ne reste plus à espérer qu'au-delà des formules faciles le public ait réellement du talent, et que tous ces corps pommadés n'aient pas trop à rougir de la comparaison avec les huiles des expressionnistes autrichiens du début du vingtième siècle... À prier, aussi, pour que cette initiative ne se généralise pas : s'il est désormais indispensable de se dévêtir devant des nus, à quand l'obligation de porter un suroît pour contempler les marines ? D'arborer un air cruche devant les natures mortes ?

À quelque chose, cela dit, coup médiatique est bon : cette exhortation à revisiter l'art... nûment (ou nuement) est pour nous l'occasion de gloser sur l'un des tableaux les plus consternants de l'école française : celui des adverbes en -ument ! La plupart d'entre eux portent l'accent circonflexe, qui — la variante nuement le souligne mieux que de longs discours — marque la disparition d'un e : assidûment, congrûment et incongrûment, continûment, crûment, dûment et indûment, goulûment. Est-il besoin de rappeler ici qu'en règle générale c'est au féminin de l'adjectif (sèchement, sottement, vivement) que vient s'ajouter le suffixe de l'adverbe ? Par tradition, drûment faisait partie de la précédente liste mais, outre le fait que le Grand Robert joue désormais les francs-tireurs en proposant drument sans accent (ou druement), celui-là a quasiment disparu de nos tablettes, avantageusement remplacé qu'il est, dans le langage de tous les jours, par l'adjectif dru. Certains ouvrages, comme le récent dictionnaire Larousse des Difficultés et pièges du français, ajoutent, dans un registre manifestement plus familier, fichûment. Les autres, ne nous demandez pas pourquoi, se sont débarrassés de l'accent circonflexe et l'on écrit sans aucun remords absolument, ambigument, éperdument, ingénument, prétendument, résolument... « Disparate qui complique inutilement l'orthographe », ont jugé les réformateurs de 1990, appelant, non sans raison sur ce point, à supprimer partout l'accent. À en juger par le peu d'écho que leur directive a rencontré dans les dictionnaires, il semble qu'ils se soient résolus, eux, à aller... se rhabiller !