Elles constituent le principal danger des vacances...

Le dessous des cartes (postales)

< mardi 26 juillet 2005 >
Chronique

Si vous faites partie de ces intrépides qui, dans quelques jours, appareilleront pour d'autres cieux, n'oubliez pas de glisser dans vos bagages, tout contre le Guide de la route, un bon vieux dico des familles. Ce sera votre seul viatique quand il vous faudra affronter ce qu'il faut bien appeler le risque majeur des vacances, plus redoutable que radars, coups de soleil et piqûres d'insectes réunis : la rédaction des sacro-saintes cartes postales. Un risque qui s'est d'ailleurs considérablement accru ces dernières années, la main ne se saisissant plus guère du stylo que pour signer des chèques. On nous objectera qu'à cet impossible-là nul n'est tenu mais vous en connaissez beaucoup, des occasions d'épater la belle-mère / la collègue de bureau / la voisine de palier (barrer les mentions éventuellement inutiles) ? On alléguera encore, pour peu que vous ayez toujours été en délicatesse avec l'orthographe, que personne ne vous oblige à choisir la difficulté, autrement dit à passer vos vacances au Liechtenstein, à Reykjavík ou dans le Schleswig-Holstein (même au téléphone, celui-là n'est pas simple, essayez pour voir !). Mais le danger rôde souvent là où on ne l'attend pas. En Crète, par exemple. Il serait franchement malvenu que vos cocoricos épistolaires vous poussent à la coiffer d'un accent circonflexe. Pour le coup, c'est vous qui, bien loin d'impressionner votre entourage, porteriez le chapeau de l'inculture ! Même chose à Gênes. N'y écrivez surtout pas, fût-ce pour soigner, Monsieur, votre image de tombeur, que les « Gênoises » sont belles. Ces traîtresses n'ont d'accent que celui, aigu, de leur parler transalpin. Et quand, des plus sagement, vous auriez choisi la France, n'allez pas confondre Châlons(-en-Champagne) et Chalon(-sur-Saône), Baume(-les-Dames) et Beaumes(-de-Venise) ! Mais, nous direz-vous enfin, on peut aisément se passer de mentionner un lieu que le recto (avec les mêmes fautes, à l'occasion) décrit assez, et s'en tenir aux banalités d'usage. Il n'empêche. Attention au « hâvre de paix » (toujours pas d'accent circonflexe), aux « ballades en vélo » (balades à vélo), aux « siestes dans les dunes de sable » (pléonasme), au « ciel sans nuage » (ajoutez un s) et au temps « excessivement beau » (à la rigueur extrêmement, car il ne saurait l'être trop). Et si, tout bien pesé, vous restiez chez vous, à lire La Voix du Nord ?