Un travail de bénédictin pour l'ex-cardinal Ratzinger

Benoît, un prénom à réhabiliter !

< mardi 3 mai 2005 >
Chronique

Il est encore trop tôt pour dire si le nouveau pape se montrera à la hauteur de la tâche qui l'attend. Du moins aura-t-il contribué, dès son accession au trône de saint Pierre, à redorer le blason d'un prénom qui, né sous les meilleurs auspices qui se puissent imaginer, a ensuite connu quelques menus déboires étymologiques. Benoît doit en effet au latin benedictus d'être le « béni des dieux », comme le montrent à l'envi les versions anglaise et allemande dudit prénom, Benedict et Benedikt. Pourquoi diable, en français, cette grâce initiale semble-t-elle avoir profité à la seule benoîte, plante des bois réputée depuis toujours pour ses vertus thérapeutiques ? Car, dans le même temps, l'adjectif benoît se chargeait d'une arrière-pensée péjorative dont, sans ambages, se fait l'écho l'actuelle définition du Petit Larousse : passe désormais pour benoît celui « qui affecte un air doucereux », autrement dit mielleux, voire obséquieux ! Robert est encore plus explicite, qualifiant de « vieux » le sens premier de « bon et doux » ! On est fondé à se demander ce qui a bien pu détourner ce vocable de ses excellentes dispositions. Si l'on en croit Alain Rey et son Dictionnaire historique de la langue française, c'est au cours du XVIIe siècle qu'il se serait teinté d'ironie et appliqué peu à peu au « dévot qui prend un air d'onctuosité hypocrite et niaise ». Ce n'est là qu'une hypothèse, mais il ne nous semble pas impossible que l'infortuné ait fini par pâtir de l'encombrant cousinage de son doublet dialectal benet (bientôt benêt, sous l'influence de la prononciation normande). On sait que, par suite d'une interprétation pour le moins discutable du Beati pauperes spiritu (« Heureux les pauvres d'esprit ») de saint Matthieu, on avait cru charitable de donner ce nom aux niais, sous prétexte qu'ils étaient favorisés par Dieu. D'autant que ce benêt-là sévissait un peu partout en France et, coïncidence, jusqu'au cœur de la cité des papes ! Nous n'en voulons pour preuve que notre pont d'Avignon, dont le nom véritable — Bénezet — n'est autre qu'un diminutif de ce Benet ! Heureusement l'italien Benedetto, en dehors d'un diminutif de sinistre mémoire — Benito —, n'a pas eu à connaître de tels avatars... ce qui fait que le successeur de Jean-Paul II peut a priori dormir sur ses deux oreilles. Reste à savoir si les catholiques d'aujourd'hui ont tous vocation à devenir des... Benoît-oui-oui !