Chirac observe le jeune mais...

C'est le oui qui fait toujours maigre !

< mardi 19 avril 2005 >
Chronique

Nombre d'éditorialistes se demandent si les résultats décevants du récent débat élyséen, devant un auditoire dont le moins que l'on puisse dire est qu'il ne fut pas tout oui, ne marquent pas le rejet d'un certain « jeunisme », affiché en la circonstance par le chef de l'État. Encore faudrait-il s'accorder sur le sens de ce mot. Le Petit Robert en offre en effet deux définitions diamétralement opposées. Celle à laquelle on s'attendait, soit : « culte des valeurs liées à la jeunesse ». Mais aussi cette autre plus surprenante, et de surcroît livrée la première : « discrimination envers les jeunes » ! Certes, ce ne serait pas la première fois qu'un mot signifie une chose et son contraire. On connaît l'hôte, qui (au masculin du moins car, chez ces dames, on distingue l'hôtesse de l'hôte) désigne celui qui reçoit comme celui qui est reçu. Dans le domaine médical, le même flou plane sur le verbe consulter, lequel s'applique aussi bien au patient — ce qui est normal — qu'au praticien, plutôt fondé à « donner des consultations ». Mais ce jeunisme à deux faces, dans une langue qui se veut cartésienne, ne laisse pas d'étonner. Renseignements pris, il est probable qu'y soit pour beaucoup l'ancien ministre de la Recherche Roger-Gérard Schwartzenberg, cité par le Grand Robert cette fois : «  Il y avait d'abord le racisme, ce mépris pour certaines races prétendument inférieures. Il y avait aussi le sexisme, cette discrimination fondée sur le sexe, qui relègue les femmes dans des rôles subalternes. Voici maintenant le jeunisme, la haine des jeunes, qui se répand comme un nouveau fléau moral et social (in Le Monde, 1975).  » Mais la responsabilité n'en incombe-t-elle pas aussi à un Robert qui, sous prétexte de se tenir à l'écoute de ce qui se dit ici ou là, en vient parfois à cautionner les formations les plus douteuses ? Qui ne verrait en effet que jeune ne pouvait, ci-dessus, être mis sur le même plan que race et sexe, termes de toute évidence plus génériques ? Âgisme eût été plus adéquat, à condition de ne pas davantage y voir un « racisme anti-vieux » mais, comme le fait Larousse, de lui donner le sens très général de « discrimination (...) à l'encontre de personnes du fait de leur âge », sans que soit spécifié celui-ci. À quelque chose, cela dit, confusion peut se révéler bonne. Il n'est pas exclu que le président de la République, qui a avoué jeudi ne pas comprendre le pessimisme de ses interlocuteurs, ait de guerre lasse troqué son jeunisme présumé... contre un autre !