Le bref... et ses pépins

Un monsieur comme il faut

< mardi 26 mars 1996 >
Chronique

L'histoire que raconte André Jouette dans son Dictionnaire d'orthographe et d'expression écrite (Le Robert) est presque trop belle pour être vraie : s'étant vu remettre un bulletin précisant qu'il était tombé la veille qq. flocons de neige sur Toulouse, un animateur de radio annonça sans sourciller à ses auditeurs qu'il était tombé quatre-vingt-dix-neuf flocons de neige sur la Ville rose ! Pour être connue, l'anecdote n'en est pas moins significative  : face aux abréviations, l'usager du français se trouve parfois pris... de court. Tel est d'ailleurs le douloureux constat que nous dressions, il y a peu, à propos d'etc. (sans points de suspension, vous vous souvenez ?). Le moment est venu de rouvrir le dossier...

Car — à tout seigneur tout déshonneur — il est une abréviation au chevet de laquelle il serait bon de se bousculer : celle de monsieur. N'abrège-t-on pas de plus en plus ce dernier en un « Mr » à l'allure britannique prononcée ? Au pluriel, c'est pis encore puisque c'est à « Mrs » que l'on a souvent recours alors que la place est déjà occupée, de l'autre côté de la Manche, par l'abréviation de Mistress (prononcez [misiz]). Avatar peu commun, on en conviendra, pour ces représentants du sexe dit fort ravalés au rang d'une seule femme, et qui amène à réviser bien des idées reçues sur le prétendu sexisme de notre société ! Faut-il vraiment rappeler que les seules abréviations reconnues demeurent, en l'occurrence, M. et MM. ? Certes, d'aucuns s'efforcent de légitimer cette dérive en arguant de l'ambiguïté que laisserait planer, selon eux, l'abréviation officielle : s'agit-il de monsieur ou de l'initiale d'un prénom ? « M. Aubry », plaident ces révisionnistes, désigne-t-il Martine ou son époux ? Chacun jugera du bien-fondé de l'argument. On ne nous empêchera pas, de penser, quant à nous, qu'il relève de la justification a posteriori : qui veut noyer son chien, c'est bien connu, l'accuse de la rage !...