À présent que le racolage devient passif...
La profession va-t-elle tenir le cou ?
« Peut-on vous reprocher quelque chose qui n'existe pas ? » se demande en substance, mi-amusé, mi-indigné, cet avocat d'une prostituée kosovare, récente victime des tours de vis de Nicolas Sarkozy. Reconnaissons avec l'homme de loi que, stricto sensu, le « racolage passif » est une franche incongruité. On serait même tenté de parler d'oxymore — cette alliance de mots contradictoires dont usent les poètes — si, comme son collègue du Quai d'Orsay Dominique de Villepin, le ministre de l'Intérieur faisait profession, à ses rares heures perdues, de taquiner la Muse. On croit savoir qu'il n'en est rien, et d'ailleurs, ne prêterait-on qu'aux riches, le maire de Neuilly n'est nullement l'inventeur de l'expression. Nous en avons retrouvé trace dans le Thésaurus de Larousse comme dans le Grand Robert, qui l'assortit de cette énigmatique précision : « par l'attitude, le contexte social, etc. » N'en déplaise à ces illustres cautions, et quand nous comprendrions évidemment qu'en matière de droit pénal il soit équitable et commode d'instituer des degrés dans les délits, au regard de l'étymologie l'expression ne tient pas. Qu'est-ce, en effet, que racoler ? C'est, au sens premier du terme, « accoler (c'est-à-dire embrasser, attraper par le cou) de nouveau ». On pardonnera à l'auteur de ces lignes, eu égard à ses coupables antécédents, une digression orthographique : voilà qui explique naturellement le l unique de racolage, lequel, certaines étreintes s'apparenteraient-elles à de la glu, n'a pas plus à voir avec la colle que l'infortunée colophane, en réalité résine de Colophon ! Voilà qui, en revanche, n'explique pas du tout ce c unique sur lequel achoppait le grand Balzac lui-même, l'accolade originale (aujourd'hui vouée aux très protocolaires remises de décorations) en comptant deux. Mais refermons au plus vite cette parenthèse un tantinet iconoclaste pour en revenir à l'essentiel : que l'on s'en tienne au sens propre susdit ou qu'on l'élargisse aux diverses acceptions figurées qui lui ont fait suite (enrôler par force ou par ruse, attirer par des moyens publicitaires ou autres, accoster ou solliciter des passants sur la voie publique), on ne voit là rien que de délibéré. Notre avocat n'a donc pas tort. Reste à savoir si ce satisfecit linguistique suffira à sortir sa cliente de cette... mauvaise passe !