Requête... Réquisition... Requièrement...

Quel est le mot requis ?

< mardi 17 juin 2003 >
Chronique

La France respire. Moins parce que les ordures ont été ramassées que parce que le bac semble sauf. Curieux pays que le nôtre ! Capable (en râlant, évidemment) de tout accepter, et même que se trouvent bafouées libertés de circuler, de travailler, de commercer. Mais pas que le bac, cet examen qu'il est de bon ton de moquer et auquel, au fond, plus grand monde ne croit, soit remis en cause. Mais pas que la philo, cette discipline pour laquelle les Français se passionnent une fois l'an, aidés en cela par des médias soucieux d'arroser un de leurs plus solides « marronniers », soit jugée hors sujet. À cette aune, ce n'est plus Liberté, Égalité, Fraternité qui ornera sous peu le fronton de nos mairies, mais Passe ton bac d'abord ! Cela dit, et si, de l'aveu même du président de la République, la crise sociale actuelle ne doit engendrer ni vainqueur ni vaincu, elle a déjà fait une estropiée : la langue française. Nous n'en voulons pour preuve que ce requièrement qui a fleuri dans toutes les gazettes, alors que, réelles ou entretenues, faisaient rage les menaces de boycott. Authentique « barbarisme juridique », comme vous avez pu le lire dans votre journal favori, et qui en dit long sur la façon dont on se permet de violer la langue pourvu qu'au bout du compte, aurait dit Dumas (Alexandre, pas Roland), on lui fasse un enfant... Pourquoi cette horreur, que pas un dictionnaire ne recense ? Tout simplement parce que le verbe réquisitionner fait peur. Trop guerrier. Trop Révolution française. Trop levée en masse. On lui préférera donc requérir et son participe requis — lequel rime avec exquis —, quitte à oublier que le sens est exactement le même : ceux qui ont un jour récité les temps primitifs du verbe latin requirere (et que l'on fêtera bientôt comme les derniers poilus devant la flamme du grammairien inconnu) savent que réquisition est, par voie de supin, enfant de requérir ! Le hic, c'est qu'en matière de substantif, on n'avait plus rien en stock. Réquisition était impossible, on a vu pourquoi. Requête avait pour lui le droit étymologique (quête ne vient-il pas de quérir ?) mais le terme, aujourd'hui, sonne trop comme une prière, et on ne badine pas avec l'autorité de l'État. Va donc pour requièrement, qui ne risque point, lui, de déployer la banderole : il n'existe pas, et ne peut donc être syndiqué. Mais que fait l'Académie ?