Les politiques nous mettent sans vergogne sur le sable !

Le toupet Paris-Plage

< mardi 13 août 2002 >
Chronique

Ce n'est pas la première fois, tant s'en faut, que des élus mettent leurs administrés sur le sable. La nouveauté, c'est que, loin de s'en défendre, ils en tirent gloire ! Nous n'en voulons pour preuve que la récente opération Paris-Plage, mise sur pied — en français branché, on dirait plus volontiers initiée — par l'actuel homme fort de la capitale, Bertrand Delanoë. Les mauvaises langues ont eu beau jeu de faire valoir que, pour tapisser ainsi les berges de la Seine, il fallait avoir un peu plus qu'un grain ! Non que l'on songe sérieusement, ne vous y trompez pas, à remettre en cause le droit de grève : il n'est que normal, après tout, qu'un politicien formé sur le tas et qui a ramassé plus d'une pelle au cours de sa carrière nourrisse quelques fantasmes de ce genre. Trop heureux s'il n'ambitionne pas, dans la foulée, de devenir garde des seaux ! Le plus étonnant, c'est que pas un de ses conseillers n'ait cru bon de le mettre en garde contre l'image pour le moins douteuse dudit sable dans notre langue. Hormis l'avantageux bâti à chaux et à sable, exception qui confirme la règle et qui doit sans doute plus à la première qu'au second, rien ou presque que des expressions à prendre en mauvaise part. Ce que l'on fonde sur le sable est voué, on le sait, à la précarité. Le grain de sable est réputé pour sa capacité à enrayer les mécanismes les mieux huilés. Finir sur le sable a constitué la hantise de toutes les corporations, des marins — ils sont évidemment à l'origine de la locution qui nous occupe — aux milieux glauques de la prostitution : le souteneur du XIXe siècle se disait sur le sable quand il n'avait plus la moindre femme à cornaquer ! Ce que l'on sait peut-être moins, c'est qu'à l'époque de la Révolution, sabler un travail revenait à le bâcler. « Un peu comme si l'on jetait du sable dessus, précise le Dictionnaire historique de la langue française, dans une métaphore proche de gâcher ». Mais, tout à son succès médiatique — voilà des bancs qui pourront se vanter d'avoir été publiés ! —, Bertrand Delanoë n'a visiblement cure de ces considérations linguistiques. Aussi longtemps que Mer, sur l'autre bord, fera des vagues, sa réélection, dans cinq ans, s'annoncera sous les meilleurs auspices... C'est pour le coup qu'il confondrait ses détracteurs et ronronnerait sous les vivats de la presse ! On devine déjà le titre du Canard : « Le marchand de sable est repassé... »