Les cinq à sept sont morts...

Vive le sept à cinq !

< mardi 13 juin 2000 >
Chronique

Est-elle versatile, notre classe politique ! Digne héritière de cette tradition gauloise qui, aux antipodes du puritanisme anglo-saxon, nous garde de toute confusion entre vie publique et vie privée, elle ne crachait pas, hier, sur le cinq à sept, dût-il se pratiquer à l'Élysée... Pour ne parler que de ceux pour lesquels il y a prescription, le très sérieux Robert nous rappelle que le président Félix Faure est mort en épectase, c'est-à-dire penché sur d'autres courbes que sur celle de notre commerce extérieur. Et voilà que, dans son écrasante majorité, ladite classe politique ne jure plus aujourd'hui que par le... sept à cinq ! C'est à qui viendra nous expliquer que cette réduction de mandat va nous faire entrer dans la modernité — c'est Giscard, un connaisseur, qui l'affirme — et redonner du lustre à la fonction présidentielle (on ne croit pas là si bien dire puisqu'un lustre, c'est aussi, à l'origine, une période de cinq ans : il s'agissait, dans la Rome antique, d'un sacrifice expiatoire que l'on pratiquait lors du recensement quinquennal). L'avouerons-nous, à notre grande honte ? Il faudrait un peu plus que cette caution étymologique pour que nous nous en sentions totalement convaincu. Le septennat, ça vous avait un côté noble et aérien, qui devait sans doute beaucoup à la symbolique des nombres (sept, c'est le nombre parfait, celui qui sied à Dieu, et Mitterrand — le président, pas le candidat — l'avait bien compris). Tandis que le quinquennat fait tellement terre à terre, avec son faux air d'assolement ; il sonne tellement plan-plan, même de ce côté-ci du rideau de fer ! On ne s'étonnera pas que Chirac avance à pas comptés : la dissolution lui a suffi, il ne tient pas à se faire esquinter une nouvelle fois. Surtout s'il s'est trouvé dans son entourage un lexicographe avisé pour lui expliquer qu'esquinter vient du latin populaire exquintare, lequel signifiait (ça ne s'invente pas) « découper... en cinq ». Sans compter que cinq ans, c'est si vite passé : c'est très précisément l'âge de cette rubrique, née un jour de juin 1995. Vous ne voyez pas que, d'amendement en amendement, l'on nous interdise de briguer un nouveau mandat ?