Delanoë, Séguin, Tiberi...

Notabilité, j'écris ton nom !

< mardi 30 mai 2000 >
Chronique

En politique, le plus difficile n'est pas de se faire un nom. Ce serait bien plutôt d'obtenir des autres qu'ils l'écrivent correctement. Un demi-siècle de vie publique et deux septennats n'auront pas suffi à François Mitterrand pour imposer aux Français les deux consonnes doubles de son patronyme. Le plus cocasse est d'ailleurs que, la plupart du temps, c'était l'r qui lui faisait défaut alors que, de l'aveu même de ses plus chauds partisans, le défunt président n'en manquait pas ! Au demeurant, il ne s'agit pas là d'un cas d'espèce : les trois candidats déclarés à la mairie de Paris ne sont pas beaucoup mieux lotis. À Jean Tiberi d'abord, qui ne serait tenté, sous prétexte qu'il n'en est plus à un chapeau près, de faire porter l'accent aigu que suggère la prononciation ? Gardez-vous-en bien et n'incriminez pas davantage Xavière, quand on la dirait en délicatesse avec l'orthographe : l'actuel maire de Paris fait partie de cette race d'élus (Casimir Perier, Clemenceau) dont les seuls accents soient oratoires. Un privilège qu'il partage également avec Charles Trenet, dont l'hospitalisation d'urgence, il y a peu, aura semé le trouble dans les gazettes, y compris dans la nôtre : accent à la une, plus d'accent en dernière page... Le bougre, heureusement, s'en est remis ! Autre sinistré du patronyme — mais pour des raisons diamétralement opposées, ce qui prouve que, jusque sur ce terrain, tout sépare les deux hommes — l'infortuné Philippe Séguin : ce dernier finira assurément par tourner chèvre si l'on s'obstine à ne pas tenir compte de son accent ! Pour ce qui est, enfin, de Bertrand Delanoë, il n'est pas sûr qu'il fasse une maladie de l'omission, sans doute fréquente, de son tréma. Voilà qui le rattache, au contraire, à la lignée de ces figures de légende qui, de Noé à Ivanhoé en passant par Robinson Crusoé, n'y recourent pas ; qui le rapproche, aussi, de son quasi-homonyme Pierre Delanoé (orthographe Seghers !), le parolier de Gilbert Bécaud : même si celui-là n'est pas l'auteur de L'important, c'est la rose, il n'est pas donné à tous les politiciens de passer pour des hommes... de paroles !