Opportunity, Decade, Approach...
Gare aux virus linguistiques !
Si par extraordinaire vous en doutiez encore, vous voilà rassuré(e) : pas question de badiner avec ces farceurs qui s'en prennent à nos ordinateurs, fût-ce sous le couvert de la plus aguichante des invites. (Soit dit en passant, faut-il que notre époque soit en mal de tendresse pour donner ainsi suite, sans autre précaution, au premier ILoveYou venu !) Las ! Que ne fait-on preuve de la même sévérité à l'égard de ceux qui propagent — souvent sans en avoir conscience, la plupart sont porteurs sains — des virus linguistiques ? Entendez ceux qui, en dépit des mises en garde, s'obstinent à saisir des opportunités plutôt que des occasions, à initier plus de projets que de profanes, à réhabiliter un immeuble quand il suffirait de le restaurer, à ravaler notre décennie au rang de la décade. Bref, à employer des mots français dans un sens qui est moins le leur que celui de leurs équivalents anglais. Vous nous répondrez que ce délit-là ne coûte pas des milliards de dollars à la société. Certes, mais il risque, à la longue, de nous coûter notre langue et, plus grave encore, le mode de pensée que jusqu'ici elle avait mission d'exprimer. Car, sans qu'il y paraisse, c'est notre syntaxe qui, à son tour contaminée, « file à l'anglaise » : nous n'en voulons pour preuve que notre tendance grandissante à abuser des adverbes, des participes présents et des tours à la forme passive. Et que dire de ces formules de tous les jours que l'on croit du cru, et qui ne sont en réalité que des copies conformes d'expressions d'outre-Manche ? On est désormais en charge d'une entreprise (in charge of) quand, hier encore, on en était chargé. Veille et lendemain sont menacés de disparition, évincés qu'ils sont de plus en plus par jour précédent et jour suivant, sur le modèle de previous day et de next day. Mais le moins étonnant n'est pas cette prononciation d'OTAN à l'anglaise (otane), qui plus est par des ténors de la politique hexagonale. Faut-il rappeler qu'il s'agit là d'un acronyme français, et que, pour leur part, les Anglo-Saxons disent NATO ? Nous en connaissons un qui, du côté de Colombey, doit se retourner dans sa tombe...