On nous écrit...

< mardi 15 juin 2004 >
Courrier

Pour s'étonner, car rien décidément n'échappe à la vigilance de nos lecteurs, qu'à l'occasion de notre dernier article nous ayons cru bon de mettre un s à un nom propre : « Pour un Voltaire qui respecte ces précisions (...), combien de Montherlants qui les foulent aux pieds ? » Faudra-t-il donc, s'interroge malicieusement M. O., de Pont-à-Marcq, écrire « les De Gaulles » pour évoquer Charles et Yvonne ? Bien sûr que non : si prestigieux que soit le couple de Colombey, il n'est pas encore de tradition de l'assimiler aux familles illustres de l'Antiquité, tels les Curiaces, les Tarquins et les Césars, ou à ces dynasties que représentaient Capets et Bourbons. On aura beau jeu de nous objecter que Montherlant ne fait pas davantage partie de cette élite. Mais il s'agissait dans notre phrase d'une antonomase, autrement dit d'un nom propre employé comme nom commun. L'invariabilité se fût naturellement imposée si, par « Combien de Montherlant », nous avions entendu « combien de membres de sa famille, qui portaient effectivement ce nom ». Il n'est que trop clair ici que nous voulions dire « combien d'écrivains semblables à Montherlant, qui, en l'occurrence, se sont comportés comme lui ». Les exemples que cite Adolphe Thomas dans son Dictionnaire des difficultés de la langue française sont édifiants. Dire qu'« il y a des Cicérons à cette tribune » ne signifie pas que s'y pressent d'authentiques descendants du grand homme mais, plus (ou moins ?) modestement, des orateurs de sa trempe. De même, constater que « nous avons besoin de Curies et de Pasteurs » veut seulement dire qu'il nous tarde de voir s'épanouir des scientifiques de leur qualité. On serait presque tenté, précise Thomas, de supprimer ici la majuscule !