On nous écrit...

< mardi 25 février 2003 >
Courrier

Familier de la présente rubrique, M. Ooghe, de Pont-à-Marcq, nous reproche gentiment d'être allé un peu vite pour justifier la graphie m'interrogé-je, dont usa Bernard Pivot dans sa dernière finale des Dicos d'or (notre article du 28 janvier). N'arrivant pas à écrire autre chose que m'interrogeai-je, notre correspondant suppose, non sans humour, que l'explication grammaticale a été donnée à l'école un jour où il était malade ! Dont acte, cher lecteur : reprenons donc la leçon par le détail.

Chaque fois que le pronom je est placé après le verbe — cela se produit surtout dans une phrase interrogative (me trompé-je ?) mais aussi, comme ici, dans une proposition incise —, le e final du verbe, devenant tonique, est remplacé dans l'écriture par un é. Pour des raisons, il va sans dire, qui tiennent à l'euphonie, la prononciation, sinon, se révélant malaisée, voire impossible : Alfred Jarry peut certes en tirer de plaisants et littéraires effets quand il fait dire à l'acteur « Que ne vous assom'je, Mère Ubu ! », c'est plus sûrement le ridicule qui serait au rendez-vous dans le cadre de la vie courante.

La version m'interrogeai-je, dans l'absolu, n'est évidemment pas fautive : le pronom je peut être précédé de n'importe quel temps, y compris du passé simple. Mais il faut bien, dans une dictée, tenir compte du contexte. L'adverbe présentement, qui faisait suite à notre expression, indiquait assez que le narrateur se posait la question au moment même où il parlait, et que c'était donc un présent qui était attendu. Là résidait d'ailleurs le piège !

Il est à noter qu'en 1990 le Conseil supérieur de la langue française, arguant du fait que la prononciation, dans le cas susdit, était plus ouverte que fermée, a recommandé de substituer à ce é un è. Visiblement, la proposition n'a été suivie d'aucun effet.