Huit à huit

< mardi 6 mai 2003 >
Complément

Autre dilemme, cette fois moins orthographique que phonétique : faut-il faire entendre le t de huit dans une date comme le huit mai ? La tradition l'exigeait, non seulement pour huit mais pour les finales sifflantes de six et dix : qui ne se souvient du soin tout particulier qu'apportait le président François Mitterrand à la prononciation adéquate de 10 mai 1981, un jour devenu pour lui fétiche ? Mais, il faut le reconnaître, c'est là une tradition qui s'éteint. Imposée il y a près d'un demi-siècle par Adolphe Thomas (« le t de huit se prononce, sauf devant un mot pluriel commençant par une consonne : (...) le huit' juin »), la prononciation du t n'est plus que conseillée, vingt-cinq ans plus tard, par Jean Girodet (« devant un nom de mois à initiale consonantique, huit se prononce [ui], ou, mieux, [uit] »). Un conseil que le grammairien belge Joseph Hanse, célèbre pour ses prises de position avant-gardistes, affectait, lui, de ne plus donner : « Devant les noms de mois commençant par une consonne, écrit-il de son côté, l'usage se perd de prononcer la consonne finale du numéral, sauf dans sept et neuf. On n'est donc nullement astreint à prononcer cette consonne (...) dans cinq, six, huit, dix (...). Dans le cas de cinq, il y a toutefois hésitation et le q se prononce souvent... » Cela dit, qu'en est-il aujourd'hui ? Si Larousse, que l'on taxe parfois de conservatisme, a opté pour la simplification (le t, selon ses dires, ne se fait plus entendre que devant une voyelle), Robert, réputé plus sensible aux sirènes de l'évolution, continue à distinguer entre le cardinal et l'ordinal et, dans le cas qui nous occupe, à préconiser la prononciation du t. Bref, c'est comme on le sent ou plutôt... comme vous l'entendez ! Aussi bien, il ne vous reste plus guère que quarante-huit heures pour vous faire une religion dans ce domaine...