La Voix au chapitre
« Qui a peur du bon français ? » Beaucoup de monde, si l'on en croit Bernard Leconte, qui vient, des plus opportunément, de rassembler les billets qu'il a signés naguère dans Le Figaro : l'Éducation nationale et son galimatias pseudo-pédagogique, France Musique et son babil pseudo-culturel, les snobs et leur jargon pseudo-branché, les « décideurs » et leur sabir atlantique, la gent politique et son charabia politiquement correct... On l'aura compris, et la quatrième de couverture n'en fait d'ailleurs pas mystère, notre agrégé de lettres adore ronchonner. Peu importe, au demeurant, dès lors qu'il le fait avec humour — le drôle ne parvient-il pas à nous faire rire de nos propres travers langagiers ? — et pour la bonne cause : celle d'une langue plus simple, plus directe, plus efficace ; moins abandonnée à ces « diseurs de phébus » que dénonçait déjà le bon La Bruyère. « Bernard Leconte, confirme l'académicien Jean Dutourd dans sa préface, contemple, jour après jour, l'assassinat de sa mère la langue française. Chacun des billets contenus dans ce recueil est un pansement qu'il applique sur les plaies de la pauvre vieille. » Reconnaissons avec l'auteur d'Au bon beurre que le bougre fait presque toujours mouche. Il n'a pas son pareil, notamment, pour repérer le tic de langage à peine né, pour l'isoler, pour l'amplifier jusqu'à l'absurde avant même que l'on n'ait eu le temps d'y songer. Une lecture ô combien roborative, que l'on recommandera aux habitués de cette rubrique avec d'autant plus d'enthousiasme que l'auteur est du Nord et qu'il n'entend nullement le perdre, en matière de langage en tout cas !
Qui a peur du bon français ? par Bernard Leconte, préface de Jean Dutourd. Éditions Lanore Littératures, 192 pages, 15 €.