Autres tics...
Après une remarquable incursion dans le domaine de la fiction romanesque (La prunelle du chat, éd. Joëlle Losfeld, 2001) et une autre, non moins remarquée, dans la biographie (John et Paul, le roman des Beatles, éd. Hors Collection, 2002), Pierre Merle revient sur le terrain de ses exploits passés : l'analyse de nos tics et travers langagiers. Son dernier ouvrage, publié cette fois à La Renaissance du Livre, se veut en effet un « Précis de français précieux au XXIe siècle ». Précieux, le livre l'est dans tous les sens du terme, tant les « ciselures, afféteries et autres précautions oratoires plus ou moins biscornues et grotesques » dont il fait l'inventaire nous procurent de jubilation. Cela va de la formation à la gestion de la violence, brillante formule de Jack Lang laissant penser que le karaté sera bientôt au programme de l'agrégation, aux pays ayant le français en partage (à peu de chose près, les francophones), en passant par les espaces de toute nature (d'affrontement, de convivialité, de départ, d'expression, de gratuité, de rendez-vous, de témoignage, et de vie bien sûr) au milieu desquels, ô paradoxe, nous étouffons de plus en plus. Inutile de préciser que l'auteur s'en donne ici à cœur joie (on sait le Merle moqueur) et qu'il a tôt fait de nous démontrer, trois siècles et demi après Molière, que les Trissotins ont encore de beaux jours devant eux. L'on imagine d'ailleurs sans peine que celui qui avait fait d'un banal fauteuil les « commodités de la conversation » ne serait pas le dernier à s'esclaffer si, délaissant son empyrée, il découvrait que les obsèques étaient de nos jours rebaptisées rituel de fin de vie, les émissions politiques respirations démocratiques et les augmentations reconstitutions de marges !
Précis de français précieux au XXIe siècle (La Renaissance du Livre). 176 p., 13,50 €.