Les méfaits du « h » (2)

Et un, et deux, et trois z'héros ?

< mardi 15 décembre 1998 >
Chronique

Une préparation tout huileuse ou toute huileuse ? Une entreprise tout hasardeuse ou toute hasardeuse ? On l'a vu il y a quelque quinze jours, l'orthographe de tout dépend de la nature du h qui suit. Pas d'autre solution, en cas de doute, que de tenter une élision ou une liaison sur un mot de la même famille. L'huile coule de source et l'on n'hésite pas à faire la liaison dans les huiles : c'est que le h est muet, et l'on optera pour la préparation tout huileuse ; on dit en revanche le hasard, et la liaison choquerait dans d'heureux hasards : on a affaire à un h aspiré, et c'est à une entreprise toute hasardeuse que l'on se livrera. L'oreille, dans ce cas précis, nous trompe rarement, et les querelles de famille restent l'exception. On ne citera, pour la petite histoire, que le cas de l'adjectif héroïque : pour établir qu'il s'agit bien d'un h muet et qu'il convient donc d'écrire une conduite tout héroïque, mieux vaut en effet se fonder sur l'héroïsme ou l'héroïne que sur le héros ! (Si ce dernier fait bande à part, c'est sans doute parce que la liaison dans les héros réduirait à... zéro le prestige d'iceux.) Mais c'est surtout chez les noms propres que l'on patauge dans l'à-peu-près. Les quelques principes qu'ont avancés les grammairiens (h muet pour les noms propres latins ou grecs : l'Odyssée d'Homère ; h aspiré dans les noms de lieux et de personnes d'origine germanique, espagnole, arabe ou orientale : la ville de Hambourg, la mort de Hirohito) ne pèsent pas lourd devant l'usage, lequel renonce de moins en moins à l'élision pour un signe typographique qui ne correspond plus à aucun son précis en français : les contes d'Hoffmann, la baie d'Hudson sont depuis longtemps passés dans les mœurs et de Gaulle lui-même parle, dans ses Mémoires de guerre, d'Hitler. Quant aux noms de lieux français, ils sont, la plupart du temps, traités comme si le h initial était muet : c'est ainsi que l'on parlera de l'abbé Lemire comme du député d'Hazebrouck, et ce malgré la consonance flamande du toponyme. Signe que, de plus en plus, l'on... aspire à la généralisation du h muet !